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Discours du Président de la République à l’occasion de la XXVIIe édition de la Conférence des ambassadeurs et ambassadrices (27-30.08.19)
Retrouvez le discours prononcé par M. Emmanuel Macron mardi 27 août 2019 à l’occasion de la 27e édition de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices.
Jean-Yves le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, réunit les ambassadeurs et les ambassadrices du mardi 27 août au vendredi 30 août 2019. Cette 27e édition de la Conférence des ambassadeurs et des ambassadrices, qui se tient dans la foulée du G7 de Biarritz, a pour thème : « Relever les défis mondiaux : responsabilités françaises et européennes ».
Ce rendez-vous annuel est un moment central pour la diplomatie française : c’est l’occasion pour les plus hautes autorités françaises de présenter les orientations et les priorités qui guideront le travail des représentants de la France à l’étranger et auprès des organisations internationales tout au long de l’année à venir. Au-delà du rendez-vous diplomatique, la Conférence permet aux chefs de poste diplomatiques d’échanger entre eux, de partager leur expérience, mais aussi de débattre avec des élus, des experts ou encore des représentants du secteur privé.
Revoir l’allocution d’Emmanuel Macron, Président de la République (27.08.19)
Accédez au texte du discours d’Emmanuel Macron, Président de la République (27.08.19)
Seul le prononcé fait foi
Mesdames, Messieurs les présidents,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
J’ai beaucoup hésité au fond à venir faire un discours devant vous aujourd’hui. Je voulais malgré tout honorer une tradition et je me suis demandé s’il n’était pas préférable de rester sur le G7 qui vient de s’achever en me disant que le seul risque que je courais c’était finalement d’être en deçà des résultats obtenus, de ce que nous avions collectivement réussi à faire mais je pense que ce moment partagé, avant les travaux que vous allez conduire, a son utilité.
D’abord parce que c’est la troisième fois que nous nous retrouvons dans ce format et qu’il est bon d’avoir du suivi et qu’au fond le faire après ce G7 que la France vient d’organiser, nous donne encore plus de sens.
D’abord pour vous dire que le succès de ce G7 est le vôtre, celui des diplomates qui l’ont organisé, des élus qui l’ont accompagné, des équipes qui avec beaucoup de professionnalisme au sein de l’État dans nombre de ministères s’y sont impliqués. La part d’insuffisance, d’échecs relatifs, elle nous revient collectivement chefs d’État et de gouvernement parce que nous n’avons pas suffisamment avancé.
Enfin, il y a une part de véritable réussite qui a été portée par cette équipe française et qui est la vôtre. Et je tenais profondément aujourd’hui à vous en remercier. La préparation pendant des mois par le Secrétariat général de la présidence. Le travail de tous les ministères. La sécurisation de l’événement, sa bonne organisation, l’association de toutes les forces vives et des élus ont permis de donner cette image de la France et d’avoir pour la première fois depuis bien longtemps un G7 qui s’est tenu dans le calme et je le crois un G7 utile.
L’avenir dira seul si ce G7 est un succès complet parce que nous verrons comment les résultats obtenus pourront être confortés ou non. Mais d’ores et déjà, je crois pouvoir dire que ce qui a été fait est votre oeuvre et que c’est une réussite. Je crois aussi que ce G7 s’est inscrit dans une démarche profonde, cohérente avec notre stratégie. Celle de mettre la France au coeur du jeu diplomatique, j’y reviendrai dans un instant et au fond dans le droit fil de ce que ces deux dernières années j’ai pu vous dire. Et avant de m’exprimer devant vous, je relisais ces derniers jours mes deux derniers discours aux ambassadeurs qui se sont à chaque fois articulés autour de ce triptyque sécurité, souveraineté et influence. Il reste parfaitement valide et évidemment tout le travail qui a été fait depuis 2 ans en matière de lutte contre le terrorisme, d’actions sur chacun de ces domaines, je crois se conforte, et cette stratégie que nous mettons en oeuvre depuis 2 ans est cohérente et s ’est d’ailleurs déclinée lors de ce sommet.
La relecture de ces discours m’a aussi conduit à beaucoup d’humilité parce que beaucoup de choses que nous prévoyions d’avancer rapidement il y a 2 ans sont encore en chantier et beaucoup de choses d’il y a deux ans sont encore malheureusement valables lorsqu’on parle du Sahel, de la crise libyenne ou de beaucoup d’autres choses.
Néanmoins, je dois le dire, une chose me frappe, je voulais partager avec vous avant de rentrer dans le détail, c’est que tout se tient. Le Premier ministre reviendra lorsqu’il s’exprimera devant vous sur les transformations conduites en France par le gouvernement, le sens qu’elles portent, et je crois, le continuum qu’elles constituent avec l’action diplomatique. Mais je suis frappé chaque jour de voir combien pour nos concitoyens l’action qui est la vôtre a de plus en plus d’importance. Je crois que c’est l’âme profonde de notre pays et c’est aussi les transformations du monde qui conduisent à cela.
Nous sommes quand-même un pays où malheureusement et nous l’avons condamné avec force, on va détruire des permanences d’élus ou agresser des élus parce qu’on signe un traité de libre-échange avec le Canada. Nous sommes un pays où la fierté est tangible lorsqu’on reçoit le monde entier et qu’on obtient des résultats comme hier. Le rapport au monde, je crois profondément, irrig ue la nation. Et donc, je ne veux pas voir nos échanges comme une discussion qui serait en quelque sorte à part du reste du cours de notre vie mais plutôt dans la cohérence profonde de ce que nous sommes en train de faire, qu’il s’agisse de l’agenda social, climatique ou économique. Tout cela se tient très profondément. C’est pourquoi en toute chose, je voulais très rapidement partager avec vous au fond une espèce de tableau rapide du monde et de ses désordres et dans ce contexte, de nos priorités. Parce que je crois que c’est ce qui très profondément doit inspirer notre action en France, en Europe et à l’international. Nous le vivons tous ensemble ce monde et vous le connaissez mieux que moi, mais l’ordre international est bousculé de manière inédite mais surtout avec, si je puis dire, un grand bouleversement qui se fait sans doute pour la première fois dans notre histoire à peu près dans tous les domaines, avec une magnitude profondément historique.
C’est d’abord une transformation, une recomposition géopolitique et stratégique. Nous sommes sans doute en train de vivre la fin de l’hégémonie occidentale sur le monde. Nous nous étions habitués à un ordre international qui depuis le 18ème siècle reposait sur une hégémonie occidentale, vraisemblablement française au 18ème siècle, par l’inspiration des Lumières ; sans doute britannique au 19ème grâce à la révolution industrielle et raisonnablement américaine au 20ème grâce aux 2 grands conflits et à la domination économique et politique de cette puissance. Les choses changent. Et elles sont profondément bousculées par les erreurs des Occidentaux dans certaines crises, par les choix aussi américains depuis plusieurs années et qui n’ont pas commencé avec cette administration mais qui conduisent à revisiter certaines implications dans des conflits au Proche et Moyen-Orient et ailleurs, et à repenser une stratégie profonde, diplomatique et militaire, et parfois des éléments de solidarité dont nous pensions qu’ils étaient des intangibles pour l’éternité même si nous avions constitué ensemble dans des moments géopolitiques qui pourtant aujourd’hui ont changé.
Et puis c’est aussi l’émergence de nouvelles puissances dont nous avons sans doute longtemps sous-estimé l’impact. La Chine au premier rang mais également la stratégie russe menée, il faut bien le dire, depuis quelques années avec plus de succès. J’y reviendrai. L’Inde qui émerge, ces nouvelles économies qui deviennent aussi des puissances pas seulement économiques mais politiques et qui se pensent comme certains ont pu l’écrire, comme de véritables États civilisations et qui viennent non seulement bousculer notre ordre international, qui viennent peser dans l’ordre économique mais qui viennent aussi repenser l’ordre politique et l’imaginaire politique qui va avec, avec beaucoup de force et beaucoup plus d’inspiration que nous n’en avons.
Regardons l’Inde, la Russie et la Chine. Elles ont une inspiration politique beaucoup plus forte que les Européens aujourd’hui. Elles pensent le monde avec une vraie logique, une vraie philosophie, un imaginaire que nous avons un peu perdu. Et donc tout ça vient nous bousculer très profondément et rebattre les cartes. Je ne parle pas évidemment de l’émergence africaine chaque jour confirmée et qui se traduit aussi là par une recomposition profonde et j’y reviendrai aussi. Le risque dans cette grande bascule se double également d’une bascule géopolitique et militaire, nous sommes dans un monde où les conflits se multiplient et où je vois 2 principaux risques.
Le premier, c’est que ces conflits font de plus en plus de victimes civiles et changent de nature. Regardez les théâtres d’opérations partout dans le monde. Et la deuxième chose, c’est que l’ensauvagement est reparti et là aussi, l’ordre sur lequel reposaient parfois nos certitudes et notre organisation est en train de disparaître. On abandonne les traités de contrôle des armements qui venaient là aussi de la fin de la guerre froide, chaque jour dans l’innocence et le silence. Tout ça doit nous poser des questions profondes. D’abord, nous faire constater que les habitudes et données qui étaient les nôtres ne sont plus valables. Et ensuite, ça doit nous conduire à interroger notre propre stratégie parce que les 2 qui ont aujourd’hui des vraies cartes en main dans cette affaire, ce sont les États-Unis d’Amérique et les Chinois.
Et ensuite, nous avons un choix par rapport à ce grand changement, ce grand basculement : décider d’être des alliés minoritaires de l’un ou l’autre ou un peu de l’un et un peu de l’autre ou décider d’avoir notre part du jeu et de peser. Dans ce même moment, nous vivons une crise inédite de l’économie de marché. Et je pense que cette crise est au moins aussi importante et elle vient en quelque sorte doubler ce que je viens de décrire. Cette économie de marché qui a été pensée en Europe par l’Europe a progressivement dérivé depuis quelques décennies. D’abord elle s’est profondément financiarisée et ce qui était une économie de marché, que certains avaient pu même parfois théorisé en parlant d’économie sociale de marché et qui était au coeur des équilibres que nous avions pensés est devenue une véritable économie d’un capitalisme cumulatif où, il faut bien le dire, d’abord la financiarisation puis les transformations technologiques ont conduit à ce qu’il y ait une concentration accrue des richesses chez les champions, c’est-à-dire les talents dans nos pays, les grandes métropoles qui réussissent dans la mondialisation et les pays qui portent la réussite de cet ordre. Et donc l’économie de marché qui jusqu’à présent par la théorie des avantages comparatifs et tout ce que nous avions sagement appris jusque-là et qui permettait de répartir la richesse et qui a formidablement marché pendant des décennies en sortant de manière inédite dans l’histoire de l’humanité des centaines de millions de concitoyens du monde de la pauvreté, a replongé et conduit à des inégalités qui ne sont plus supportables. Dans nos économies, la France l’a vécu ces derniers mois, très profondément mais en fait nous le vivons depuis des années et dans le monde entier.
Et cette économie de marché produit des inégalités inédites qui au fond viennent bousculer en profondeur là aussi notre ordre politique. D’abord, elles viennent bousculer la légitimité même de cette organisation économique. Comment expliquer à nos concitoyens que c’est la bonne organisation lorsqu’ils n’y retrouvent pas leur part. Mais cela vient questionner aussi l’équilibre de nos démocraties. Parce qu’au fond, là aussi, nous vivions depuis le XIXème siècle dans des équilibres où les libertés individuelles, le système démocratique et le progrès continu des classes moyennes avec l’économie de marché constituaient une espèce de trépied sur lequel nous avancions. Quand les classes moyennes qui sont le socle de nos démocraties n’y ont plus leur part, elles doutent et elles sont légitimement tentées ou par des régimes autoritaires ou par des démocraties illibérales ou par la remise en cause de ce système économique. En tout cas, dans des changements de paradigme très profonds sur lesquels nous ne sommes pas du tout engagés jusqu’alors. Et donc, cette crise là aussi peut conduire à des fermetures, ce que certains décident, ce que la France n’a pas décidé au printemps 2017. Mais cette te ntation est toujours là. Il doit nous conduire très profondément à savoir comment nous pouvons repenser des équilibres dans ce système qui n’est pas qu’un système français mais bien européen et mondial et comment nous pouvons rendre l’ouverture qui je le crois est indispensable, bonne pour notre pays, conforme à nos valeurs et notre ADN en y retrouvant notre part de contrôle. Et au fond, ce que les brexiteurs ont proposés aux peuples britanniques qui était un très bon mot d’ordre : reprendre le contrôle de nos vies, de notre nation. C’est ce que nous devons savoir penser et agir dans une nation ouverte. Reprendre le contrôle. Fini le temps où on expliquait à nos concitoyens la délocalisation. C’est l’ordre des choses, c’est une bonne chose pour vous. Les emplois vont en Pologne ou en Chine, en Vietnam et vous allez retrouver le … je n’arrive plus à expliquer cette histoire. Et donc, nous devons trouver les moyens de peser dans la mondialisation mais aussi de repenser cet ord re international. J’ai conscience de l’ambition de ce que je dis et cela ne se fera pas en un jour. Mais j’ai conscience de la nécessité de cette pensée et de cette démarche au niveau français et européen. Sinon, nous tombons.
Troisième grand bouleversement que nous vivons c’est évidemment la révolution technologique. Elle est inédite. Celle de l’internet, des réseaux sociaux, maintenant de l’intelligence artificielle, c’est d’abord une mondialisation formidable de l’intelligence, des progrès technologiques qui acquièrent une rapidité inédite. Mais c’est aussi une mondialisation de l’imaginaire, des émotions, de la violence, de la haine, là aussi, une contribution forte à l’ensauvagement du monde que nous vivons chaque jour. C’est un changement anthropologique profond qui touche nos démocraties et c’est aussi un espace nouveau qui se constitue sous nos yeux qui nécessite de repenser des règles, un ordre international qui aujourd’hui n’existe pas. Et je crois très profondément que cette révolution technologique conduit à des déséquilibres économiques mais aussi anthropologiques, qu’il nous faut penser, sur lesquels il nous faut agir sans quoi nous aurions si je puis dire une diplomatie intempesti ve et donc, courant le risque d’être rapidement caduque. D’autres d’ailleurs s’en sont saisis avant nous. Qui en ont fait un outil de déstabilisation des démocraties et d’influence.
Enfin, nous avons le grand bouleversement écologique. Celui-ci, je crois très profondément, est en accélération profonde. Nous l’avons saisi depuis plusieurs années et la France a porté une diplomatie environnementale efficace avec des résultats comme celui de la COP 21 que tout le monde nous consacre encore et celui des accords de Paris. Et on voit que cette question aujourd’hui s’accélère, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou de la lutte pour la biodiversité. Elle s’accélère parce que les effets de notre inaction collective passée se font aujourd’hui ressentir dans nos sociétés, nos économies et partout dans le monde. Et elle s’accélère parce que nos concitoyens en ont conscience, beaucoup plus et nous pressent d’agir. Et elle s’accélère aussi parce que les conséquences de ce grand bouleversement sont là chaque jour. Et ces conséquences, ce sont des vraies crises géopolitiques. Et le dérèglement climatique, le grand bouleversement écologique conduisent à des dés équilibres profonds régionaux, à des phénomènes migratoires profonds et viennent accélérer aussi le grand bouleversement démographique qui déstabilise notre monde.
Et donc, vous le voyez, tous ces grands bouleversements arrivent au même moment. Et vous le savez tout cela. Mais je pense qu’il nous faut le remettre en perspective non pas simplement pour le constater mais pour essayer de voir comment nous devons agir utilement à ce moment. Le dire est une chose, quelle part avons-nous à prendre ? Nous pouvons décider d’en être les spectateurs, les commentateurs. Et je pourrais m’arrêter sur ce que je viens de dire. Et au fond de dire : nous allons continuer la même action en France et la même action diplomatique dans ce contexte. Cette stratégie de la prudence ou de la poursuite des habitudes parce qu’on peut d’ailleurs suivre cette voie sans considérer qu’on est prudent. Si on continue à faire comme avant pour le dire autrement, qu’on soit d’ailleurs une entreprise, un diplomate, un ministre, un président de la République, un militaire, tous ici dans cette salle, si on continue à faire comme avant, alors nous perdrons définitivement le contrôle. Et alors, ce sera l’effacement. Je peux vous le dire avec certitude. Nous savons que les civilisations disparaissent, le pays aussi. L’Europe disparaîtra. L’Europe disparaîtra avec l’effacement de ce moment occidental et le monde sera structuré autour de deux grands pôles : les Etats-Unis d’Amérique et la Chine. Et nous aurons le choix entre des dominations. Nous pouvons faire semblant de l’oublier. On peut le faire très bien. On l’a déjà très longtemps fait sur beaucoup de sujets. On expliquera que nous sommes souverains. On se battra pour maintenir les emplois dans notre pays en faisant des compromis bancals avec des groupes sur lesquels nous ne pouvons plus rien. On essaiera d’avoir des politiques environnementales dans notre pays ou sur notre continent mais ce sera déjà trop tard puisque nous n’aurons plus la maîtrise et les choses. C’est la ligne des plus grandes pentes.
Il y a une autre stratégie, celle de l’adaptation. Cela consiste à dire : il faut au fond courir plus vite face à ce monde qui bouge. Donc on va essayer de faire quelque chose sur l’écologie vaguement mais on doit s’adapter à cet ordre qui va plus vite, faire des réformes pour rattraper les autres simplement en essayant de ne pas vraiment changer, ne pas vraiment peser. C’est un scénario intermédiaire qui assez rapidement à mes yeux nous conduira au même résultat. Je pense même qu’il nous conduira au même résultat avec pour conséquence une réaction profonde, un rejet de notre population parce que nous ne sommes pas un pays qui aime s’adapter. Donc, parfois même le défaut de vouloir changer le monde pour ne pas nous adapter, mais nous n’aimons pas nous adapter. Je crois que la vocation de la France est ce qui correspond à la nécessité du temps présent, c’est d’essayer de peser sur cet ordre du monde avec les cartes qui sont les nôtres pour ne pas céder à quelques fatalités que ce soit, mais tenter de bâtir un ordre nouveau, dans lequel non seulement nous aurions notre place mais nos valeurs, nos intérêts au fond pourraient l’avoir.
Et donc, je ne crois qu’à une chose. C’est la stratégie de l’audace, de la prise de risque. Ce qui veut dire que tout ce que nous sommes en train de faire et tout ce que nous ferons ne réussira peut-être pas. Et il y aura beaucoup de commentateurs pour dire que cela ne réussit pas à certains moments. Ceci n’est pas grave. Ce qui est aujourd’hui mortel c’est de ne pas essayer compte-tenu de tout ce que je viens de dire. C’est la stratégie de l’audace, de la vision et c’est d’essayer de retrouver dans ce contexte qui caractérise profondément l’esprit français et au fond à mes yeux de refonder ce qui est profondément la civilisation européenne. Je crois que c’est cela ce qui doit être notre objectif dans notre pays, dans notre stratégie européenne et au niveau international. L’esprit français c’est un esprit de résistance et une vocation à l’universel. Un esprit de résistance, cela veut dire, ne pas céder à la fatalité ni à l’adaptation des choses et aux habitudes. Cela veut dire de considérer que quand les choses sont injustes, on peut parce qu’on se donne les moyens de le faire et donc qu’on se donne les moyens d’être plus forts, qu’on fait les réformes pour le faire, qu’on se redonne du muscle économique, productif. On arrive à faire bouger les choses mais on ne cède pas à l’ordre ambiant pour des bonnes raisons et qu’on arrive à retrouver ce que sont nos valeurs profondes. Et je crois que ce qui a toujours caractérisé l’Europe, ce qui est le fil rouge de notre vocation, c’est un véritable humanisme. Et je le dis parce que ce n’est plus une évidence. Et si nous allons dans le sens de plus grande pente et si nous continuons à voir le monde tel qu’il va et que je le décrivais, cet humanisme européen disparaîtra.
Les Etats-Unis d’Amérique sont dans le camp occidental mais ils ne portent pas le même humanisme. Leur sensibilité aux questions climatiques, à l’égalité, aux équilibres sociaux qui sont les nôtres n’existe pas de la même manière. Il y a un primat de la liberté qui caractérise d’ailleurs la civilisation américaine très profondément et qui explique aussi nos différences même si nous sommes profondément alliés. Et la civilisation chinoise n’a pas non plus les mêmes préférences collectives pour parler pudiquement, ni les mêmes valeurs. Nous sommes le seul espace géographique qui a mis l’homme avec un grand H au coeur de son projet à la Renaissance, au moment des Lumières et à chaque fois que nous avons eu à nous réinventer. Je crois que compte tenu de ces bouleversements, c’est cela le projet qui est le nôtre et qui doit être à nouveau le nôtre. Et donc, qui suppose sur les grandes questions économiques, industrielles, climatiques d’avoir cette démarche et cette exigence avec nous-mêmes et avec les autres. Et donc, d’avoir un projet éducatif, productif, social, écologique qui soit repensé dans notre pays. C’est ce que nous sommes en train de faire mais nous ne pouvons pas le faire seul parce que si vrai que le socialisme dans un seul pays ne fonctionne pas historiquement, l’humanisme dans un seul pays ne dure pas longtemps. Et il nous faut pouvoir l’irriguer en Europe et à l’international. Et c’est là où la cohérence de notre agenda doit se tenir. C’est ce projet humaniste qui est au coeur de l’agenda du gouvernement en réinvestissant sur l’humain par le projet éducatif, social et de santé en faisant les réformes qui nous permettent d’avoir un vrai projet productif et en ayant cette transformation écologique indispensable. C’est je crois très profondément ce qui doit nous animer. Et avec cela, de savoir collectivement retrouver et je prends ma part et je mesure le caractère inachevé de mon propos sur ce point. Mais il nous faut rebâtir sur cette base un récit collectif et un imaginaire collectif. C’est pour ça que je crois très profondément que le projet qui est le nôtre, il faut l’assumer comme un projet de civilisation européenne.
Le projet de civilisation européenne ne peut pas être porté ni pas par la Hongrie catholique, ni par la Russie orthodoxe. Et nous l’avons laissé à ces deux dirigeants par exemple, et je le dis avec beaucoup de respect, allez écouter des discours en Hongrie ou en Russie, ce sont des projets qui ont leurs différences mais ils portent une vitalité culturelle et civilisationnelle, pour ma part, que je considère comme erronée mais qui est inspirante. Et donc, il nous faut trouver à travers ce projet européen qui est je crois très profondément aussi un projet français une force d’inspiration pour notre peuple. C’est l’esprit de la Renaissance, c’est l’esprit des Lumières. C’est l’esprit très profond de cet humanisme français que nous avons à chaque fois porté, inventé et qu’il nous faut réinventer aujourd’hui. Cela veut dire quoi ?
Cela veut dire que tous les sujets que nous évoquons souvent ne doivent pas être simplement des sujets techniques. Ils doivent contribuer d’un imaginaire qu’il nous faut porter, d’un vrai projet de civilisation de cette nouvelle frontière et où on remet très profondément les femmes et les hommes au coeur de celui-ci. Je mesure évidemment l’ambition d’un tel projet. Mais je crois qu’il était important que je partage avec vous cette conviction aujourd’hui parce que c’est ça qui doit irriguer très profondément l’action qui est la nôtre et le continuum qui est le nôtre chaque jour. Et au fond, les nouvelles alliances qui sont les nôtres, ce projet-là suppose évidemment d’avoir une exigence en termes de dignité de l’homme. Ceux qui aujourd’hui dans le monde défendent les droits à la liberté au péril de leur vie tournent leurs regards vers nous. Et quand je parle d’un projet européen de civilisation et de ce projet français, c’est aussi cela ce que je veux dire. Nous avons retro uvé la sève de cette exigence et savoir partout dans le monde sans remettre en cause la souveraineté de quelque pays que ce soit.
Défendre la force et la vitalité des droits de l’homme qui se sont si affaibli ces dernières années. Nous sommes revenus à ce que David Miliband, dans une conférence récente appelait l’âge de l’impunité. Il y a 20 ans, nous nous serions dits tous ici que les droits de l’homme avaient une espèce de course inarrêtable, que tout le monde allait venir mécaniquement à la démocratie aux mêmes valeurs que nous. Regardez la situation dans laquelle nous sommes. Dans des pays parfois en Europe, en matière de recul des droits, d’indépendance de la Justice, de menace sur les défenseurs des droits, regardez où nous sommes partout dans les théâtres de guerre. Donc notre responsabilité dans ce contexte et je crois dans cette capacité à revivifier l’esprit des Lumières, c’est d’être des acteurs essentiels pour porter une nouvelle exigence en termes de droits de l’homme, porter une nouvelle exigence pour que nos démocraties et nos valeurs soient partout défendues. Dans les théâtres d’opéra tions pour lutter contre l’impunité et défendre les civils et les humanitaires, pour défendre partout les défenseurs des droits, pour aussi oeuvrer comme nous l’avons fait encore ces dernières semaines pour un internet respectueux des démocraties, des libertés et des équilibres qui sont les nôtres. Mais défendre cette civilisation européenne, avoir cet objectif de porter cela chez nous et dans le monde suppose aussi dans notre action diplomatique très profonde d’avoir une ambition éducative, climatique, démocratique, de pouvoir repenser très profondément les équilibres de l’économie de marché comme nous avons commencé à le faire et d’avoir un agenda culturel qui constitue aussi le coeur de cette ambition et de cet esprit.
Pour y parvenir, je souhaiterais que, dans les prochains mois et dans la continuité de ce qui est fait depuis 2 ans, nous puissions collectivement agir autour de 5 axes prioritaires. Je ne couvrirai pas ici tous les champs géographiques et tous les sujets, ne m’en veuillez pas et ne considérez pas que le silence vaut désintéressement. Il vaut souci de nos équilibres collectifs et j’ai peur déjà d’être trop long. Donc sachez que cette longueur ne vaudra toutefois pas exhaustivité, mais il y a 5 choses importantes que je voudrais vous dire après vous avoir rapidement expliqué comment je voyais cet ordre du monde et au fond notre objectif dans ce contexte.
La première chose, c’est que pour parvenir à cet objectif dans ce désordre, je crois que ce que nous devons faire très profondément, c’est jouer notre rôle, au fond, de puissance d’équilibre. Puissance d’équilibre, c’est d’acter que nous sommes une grande puissance économique, industrielle même si nous avons perdu, quand je regarde les dernières décennies, sur beaucoup de points, que nous avons à rebâtir et que nous devons rebâtir pour pouvoir rester cette puissance-là. C’est le coeur de notre agenda national et européen et nous sommes une puissance militaire et diplomatique qui demeure. Nous sommes en passe de devenir de manière indiscutable la première armée européenne par les investissements que nous avons décidés, par la loi de programmation militaire, par la qualité de nos soldats et l’attractivité de notre armée. Et aujourd’hui, en Europe, personne n’a cette vitalité et personne n’a décidé ce réinvestissement stratégique et humain. Ce qui est un point essentiel pour pouvoir peser. Et nous restons une grande puissance diplomatique, membre permanent du Conseil de sécurité, au coeur de l’Europe et au coeur de beaucoup de coalitions. Mais quand je dis que nous devons être une puissance d’équilibre, cela veut dire que nous devons en quelque sorte avoir la liberté de jeu, la mobilité, la souplesse. Nous ne sommes pas une puissance alignée. Je le dis ici avec beaucoup de force. Nous avons des alliés, nous sommes européens et nous devons travailler avec nos partenaires européens en les respectant. Nous avons des alliés dans chaque région du monde et nous avons un allié important que sont les États-Unis d’Amérique sur le plan stratégique et militaire. Mais pour le dire en termes simple, nous ne sommes pas une puissance qui considère que les ennemis de nos amis sont forcément les nôtres ou qu’on s’interdit de leur parler. Et je crois que c’est ça la force de la France. Et donc nous devons avoir notre propre stratégie parce que cette stratégie est au service de nos intérêts et, au fond, de notre utilité dans le concert du monde, comme l’ont montré encore les dernières semaines et les derniers jours. Ce rôle de puissance d’équilibre, c’est celui que nous devons jouer dans les grandes crises et les situations de conflit. Je ne veux pas tous ici les détailler.
Je parlerai de l’un d’entre eux : l’Iran. Nous l’avons vu ces derniers jours à Biarritz, en créant les conditions nécessaires à une désescalade. Le ministre des affaires étrangères et le ministre de l’économie et des finances impliqués aussi dans cette affaire ont conduit pendant 2 jours un travail extrêmement fin mais après plusieurs semaines, plusieurs mois d’initiatives, pour essayer non simplement de peser dans cette situation, mais construire les conditions d’une désescalade et d’une solution. Sur l’Iran, nous le savons bien, la France n’a pas été l’initiatrice de ce fameux JCPoA. Elle a même avec raison durci les conditions en 2015. Mais nous nous retrouvons dans cette situation ayant signé un traité. Celui qui l’avait initié décide d’en sortir. Et où, au fond, les divergences qui s’installaient entre nous pouvaient conduire à une escalade dans la région avec des résultats terribles. Je crois que notre rôle dans ce type de conflit, c’est d’une part de s’assurer de la cohérence des grandes puissances. Ce que nous avons fait lors de ce G7 en dégageant deux messages clairs pour la première fois assumés par tous. Nul autour de la table du G7 ne veut que l’Iran ne puisse jamais se doter de l’arme nucléaire et tous tiennent à la stabilité et la paix dans la région. Ce qui veut dire que tout le monde aussi s’abstiendra d’avoir des comportements qui puissent menacer cette paix et cette stabilité. Et de l’autre côté nous avons tenté d’agir pour faire venir davantage l’Iran à la négociation et éviter une désescalade liée à l’absence de discussions entre les deux principales parties. Nous avons obtenu des premiers résultats ; ils sont fragiles, il faut avoir beaucoup d’humilité, mais qui, dans la discussion bilatérale avec l’Iran permettent de voir un chemin possible avec des compensations économiques et financières, avec aussi des demandes additionnelles, et qui ont au moins permis à court terme une désescalade et les conditions possibles de renc ontres utiles. Nous l’avons fait en lien avec le soutien de nos partenaires européens, et en jouant pleinement ce rôle de puissance d’équilibre. Et pour pouvoir jouer utilement ce rôle dans les grands conflits ou comme nous l’avons fait autour de la table du G7, il nous faut pouvoir pleinement décliner si je puis dire cette forme d’indépendance indispensable de notre diplomatie et d’autonomie stratégique, ce qui suppose de repenser en profondeur la relation avec quelques puissances. Alors je sais que, comme diraient certains théoriciens étrangers, nous avons nous aussi un État profond. Et donc parfois le président de la République dit des choses, se déplace et dit quelque chose, puis la tendance collective pourrait être de dire : « Il a dit ça enfin nous on connaît la vérité on va continuer comme on l’a toujours fait ». Je ne saurais vous recommander de ne pas suivre cette voie. D’abord parce qu’elle est collectivement inefficace puisqu’elle décrédibilise la parole du présiden t de la République et par voie de conséquence elle décrédibilise la parole de celles et ceux qui les représentent. Mais surtout elle nous enlève de la capacité à faire.
Et donc dans cette capacité à repenser les grandes relations il y a notre relation avec la Russie. Je sais que beaucoup d’entre vous ont parfois fait leur carrière à conduire des dossiers où tout les a conduits à avoir de la défiance à l’égard de la Russie, parfois à juste titre. Et nous, nous avons structuré cette relation depuis au fond la chute du Mur de Berlin dans cette défiance par une succession de malentendus. Je n’ai aucune naïveté en voulant revisiter cette relation. Mais j’ai quelques évidences. Nous sommes en Europe, et la Russie aussi. Et si nous ne savons pas à un moment donné faire quelque chose d’utile avec la Russie, nous resterons avec une tension profondément stérile. Nous continuerons d’avoir des conflits gelés partout en Europe. Nous continuerons à avoir une Europe qui est le théâtre d’une lutte stratégique entre les États-Unis d’Amérique et la Russie. Et au fond à voir les conséquences toujours de la guerre froide sur notre sol, et nous ne créerons pa s les conditions du projet profond de recréation de la civilisation européenne que j’évoquais tout à l’heure. Parce qu’on ne peut pas le faire sans repenser notre lien avec la Russie très profondément, très profondément. Je pense en plus que pousser la Russie loin de l’Europe est une profonde erreur stratégique parce que nous poussons la Russie soit à un isolement qui accroît les tensions, soit à s’allier avec d’autres grandes puissances comme la Chine, qui ne serait pas du tout notre intérêt. Dans le même temps il faut bien le dire nos relations se sont structurées et ont documenté la défiance. Les attaques sur le plan cyber, déstabilisation démocratique, un projet russe aujourd’hui qui est profondément conservateur et opposé au projet de l’Union européenne, assumé.
Et tout ça au fond s’est noué dans les années 90 et 2000 lorsqu’une série de malentendus se sont joués et lorsque sans doute l’Europe n’a pas joué une stratégie propre et a donné le sentiment d’être le cheval de Troie d’un Occident dont le but final était de détruire la Russie et où la Russie a construit son imaginaire dans la destruction de l’Occident et donc l’affaiblissement de l’Union européenne. Nous en sommes là. On peut le déplorer, on peut rester dans cette guerre de position, ce n’est pas notre intérêt profond. Notre intérêt non plus n’est pas d’être d’une faiblesse coupable à l’égard de la Russie et de considérer qu’il faudrait oublier tous les désaccords, les conflits passés, et se mettre à se réembraser, non. Mais je pense qu’il nous faut repenser cette grammaire très profondément. Je crois qu’il nous faut construire une nouvelle architecture de confiance et de sécurité en Europe, parce que le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie. Ce n’est pas l’intérêt de certains de nos alliés, soyons clairs avec ce sujet. Certains d’ailleurs nous pousseront toujours à avoir plu s de sanctions, parce que c’est leur intérêt. Quand bien même ce sont nos amis. Mais ce n’est pas le nôtre très profondément. Et je crois que pour arriver à l’objectif que je viens d’évoquer, qui est celui de rebâtir un vrai projet européen dans ce monde qui risque la bipolarisation, réussir à faire front commun entre l’Union européenne et la Russie penser au fond ces cercles concentriques qui sont en train de structurer l’Europe jusqu’à une relation nouvelle avec la Russie, est indispensable.
Et donc il nous faut pour cela et c’est ce que j’ai dit au président Poutine la semaine dernière à Brégançon, avancer pas à pas. Vous aurez chaque jour des preuves de ne pas aller dans ce sens. Il y en aura chaque jour parce que les acteurs de part et d’autre essaieront chaque jour de menacer ce projet, y compris côté russe, parce qu’il y a beaucoup d’acteurs dans les services, dans les forces économiques, qui essaieront des attaques, des provocations et essaieront de fragiliser cette voie. Nous devons être intraitables lorsque notre souveraineté ou celle de nos partenaires est menacée. Mais il nous faut stratégiquement explorer les voies d’un tel rapprochement et y poser nos conditions profondes. Il s’agit de sortir des conflits gelés sur le continent européen, il s’agit de repenser ensemble la maîtrise des armements conventionnels, nucléaires, biologiques et chimiques, parce que regardez la situation dans laquelle nous sommes plongés. Nous sommes dans une Europe où nous avons laissé le sujet des armements à la main de traités qui étaient préalables à la fin de la guerre froide entre les États-Unis et la Russie. Est-ce que c’est ça une Europe qui pense son destin, qui construit ? Pour ma part je ne crois pas donc il faut avoir ce dialogue avec la Russie. La fin du traité FNI nous oblige à avoir ce dialogue parce que les missiles reviendraient sur notre territoire.
Troisième sujet, il nous faut ensemble penser à une stratégie spatiale. D’ailleurs dans notre histoire nous avons su le faire et sur le sujet spatial, que je sache, nos principaux alliés ne sont pas américains. Il nous faut ensemble penser une stratégie sur le cyber, nous en sommes très loin. Aujourd’hui les attaques sont quotidiennes mais il faut pouvoir s’en exposer sur la place publique sans naïveté, échanger sur ce point, sans relâche essayer de reconstruire un agenda de confiance. Et il nous faut aussi avoir une vraie discussion stratégique pour bâtir les conditions d’une souveraineté technologique, je le crois très profondément, sur le plan industriel lato sensu. Rien de tout cela n’est évident, rien de tout cela n’est facile et vous aurez chaque jour les preuves pour ne pas aller en ce sens. Je vous demande de ne rien céder aux provocations, de toujours défendre nos intérêts, notre souveraineté, de rester fort, mais je crois très profondément qu’il nous faut aussi profondément rebattre les cartes dans un dialogue franc et exigeant avec la Russie. Et je veux que nous jouions cet axe parce qu’il est indispensable pour réussir à obtenir des résultats et une vraie stratégie européenne.
C’est ce que feront les ministres de l’Europe et des affaires étrangères et la ministre des Armées lorsqu’ils se rendront dans quelques jours à Moscou pour reprendre le dialogue 2+2. C’est ce que nous poursuivons par un dialogue constant avec le président Poutine et nous allons mettre en place ce groupe de travail pour avancer sur cette architecture commune. Et évidemment l’un des sujets décisifs pour pouvoir avancer en ce sens c’est notre capacité à avancer sur le conflit russo-ukrainien, donc la mise en oeuvre des accords de Minsk. À ce titre, les discussions récentes ont permis de voir des avancées concrètes qui nous conduiront avec la Chancelière à proposer pour les prochains jours un nouveau sommet en format Normandie. J’imagine le doute qu’il peut y av oir quand peut-être certains ou certaines d’entre vous m’écoutent, mais je vous demande d’avancer sur cette voie, encore une fois sans naïveté, mais parce que je crois profondément que c’est la bonne.
Et s’il fallait achever la démonstration je vous demanderais de vous interroger collectivement sur la stratégie que peut avoir la Russie pour elle-même. Regardez ce grand pays, il a retrouvé des marges de manoeuvre par nos faiblesses. Depuis cinq ans la Russie a pris une place inédite dans tous les grands conflits, elle a pris une place inédite parce que les États-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne et la France ont été faibles. On avait mis des lignes rouges, elles ont été franchies, nous n’avons pas agi. Ils ont très bien compris, ils ont avancé et donc on ne peut pas ostraciser en étant faible : il faut choisir une logique. Et ce n’est pas notre intérêt d’aller dans une logique du fort avec notre voisin. La Russie a maximisé dans le contexte actuel tous ses intérêts : elle est revenue en Syrie, elle est revenue en Libye, elle est revenue en Afrique, elle est dans tous les sujets de crise par nos faiblesses ou nos erreurs. Mais est-ce que cette situation est durable ?
Je ne le crois pas et si j’étais à la place des Russes, ce qui est toujours la question que nous devons nous poser, je m’interrogerai parce que cette grande puissance qui investit beaucoup sur son armement, qui nous fait si peur a le produit intérieur brut de l’Espagne, a une démographie déclinante et un pays vieillissant, et une tension politique croissante. Est-ce que vous pensez que l’on peut durer comme cela ? Je pense que la vocation de la Russie n’est pas d’être l’alliée minoritaire de la Chine et donc nous devons aussi savoir par ce dialogue exigeant et les conditions que nous poserons, offrir à un moment donné une option stratégique à ce pays qui va immanquablement se la poser, immanquablement, et c’est à nous de le préparer et de savoir avancer sur ce point.
Notre rôle ensuite de puissance d’équilibre doit aussi s’exercer en Asie. La Chine a changé, le monde avec elle et nous devons construire le partenariat euro-chinois du 21ème siècle. Et notre pays au sein de l’Europe, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, a un rôle historique à jouer en la matière. Alors sur ce point aussi nous avons posé ces derniers mois des jalons importants, en particulier lors de la visite du président chinois à Paris où pour la première fois nous avons assumé d’avoir un dialogue franc, sincère, constructif mais d’assumer aussi une stratégie européenne. La Chine a un véritable génie diplomatique pour jouer de nos divisions et nous affaiblir. C’est pourquoi j’ai voulu pour la première fois inviter la Chancelière Merkel et le président Juncker à cette visite, et nous avons pour la première fois eu un véritable agenda stratégique pas simplement franco-chinois mais aussi sino-européen. Et je pense qu’il est indispensable d’intégrer systématiquement cette approche européenne en travaillant selon trois axes prioritaires : un agenda économique et commercial qui s’inscrit dans le cadre multilatéral mais qui permet d’acter des résultats complets en particulier en matière de réciprocité, ce mot est souvent interdit dans ce contexte, mais enfin il est une réalité, nos entreprises le savent ô combien et nous avons sur plusieurs sujets du nucléaire civil à l’aéronautique en passant par l’agroalimentaire des intérêts à défendre ; un agenda multilatéral centré sur le climat et la biodiversité, et la Chine est devenue notre allié sur cet agenda multilatéral, profondément en changeant la donne de manière inédite. Le pacte, cette coalition pour la neutralité carbone 2050, a connu un moment inédit lorsqu’en marge du sommet d’Osaka les ministres des affaires étrangères ont signé un document stratégique où la Chine s’est engagée avec nous sur cet agenda où quelques semaines plus tôt nombre d’Européens doutaient encore ; et enfin un agenda eura siatique qui permette une meilleure convergence entre l’initiative chinoise des nouvelles routes de la soie et la stratégie européenne de connectivité.
Cette construction elle doit se faire dans le respect, l’exigence. Nous respectons les intérêts et la souveraineté de la Chine, mais la Chine doit elle aussi respecter pleinement notre souveraineté et notre unité, et sur ce plan la dynamique européenne est essentielle.
Nous avons commis des erreurs profondes il y a 10 ans sur ce sujet. L’Europe, dans le traitement qu’elle a eu de la crise économique et financière, a poussé plusieurs États à des privatisations forcées sans option européenne et a décidé elle-même méthodiquement de réduire sa souveraineté en livrant nombre d’infrastructures essentielles en Europe du Sud aux Chinois. On ne va pas reprocher aux Chinois d’avoir été intelligents, on peut se reprocher d’avoir été stupide. Ne poursuivons pas cette logique. Je vous demande également de vous mobiliser pleinement pour construire une stratégie française dans l’axe indopacifique, et c’est le complément de cette stratégie chinoise. Si nous voulons être respectés de la Chine il faut d’abord avoir une approche européenne, ce que je viens de dire, mais il faut peser aussi avec les puissances de la région. C’est indispensable. Ce qui veut dire qu’il nous faut jouer d’abord comme nous puissance indopacifique : la France a plus d’un million d’habitants dans cette région à travers ses territoires ultramarins, nous avons plus de 8 000 soldats, nous sommes l’une des principales puissances maritimes de cette région, parmi les seuls à faire des vraies opérations militaires en mer de Chine, et sur ces océans. Et nous l’avons sous-exploité à tous égards jusqu’alors. Et donc il nous faut revisiter cette région d’abord en actant que nous sommes une puissance de celle-ci, mais en développant une alliance si je puis dire complémentaire, non confrontationnelle mais complémentaires de cette relation avec la Chine par cette taxe indopacifique. J’ai pu annoncer l’année dernière en Inde puis en Australie, nos partenaires sont l’Inde, l’Australie, le Japon, l’Indonésie, Singapour sur ce sujet, chacun sur des axes différents selon des logiques qui sont complémentaires. Mais nous devons traduire cet agenda indopacifique de manière stratégique. Nous l’avons décliné sur le plan militaire et nous devons encore le renforcer, mais la ministre lors de la rencontre de Shangri-La a pu le présenter il y a quelques mois. Nous devons maintenant le décliner pleinement sur le plan diplomatique aussi en réallouant nos forces qui ne sont pas adaptées à cet agenda : notre aide publique au développement, nos investissements dans le monde où cette zone n’a pas toujours été la plus privilégiée et nous n’avons pas relié si je puis dire tous les agendas entre eux. Mais je souhaite aussi que nous puissions le décliner sur le plan économique, climatique et technologique. Nous avons dans cette zone des partenaires climatiques essentiels parce que nous avons beaucoup d’États vulnérables. Nous avons aussi des partenaires sur un des défis qui est important et j’y reviendrai tout à l’heure rapidement qui est le défi technologique. Si nous voulons réussir sur la souveraineté technologique et celle des connexions nous devons jouer sur l’axe indopacifique. La souveraineté des câbles sous-marins comme celle des technologies 5G et autres se construira aussi par ces alliances géographiques parce que vous avez là nombre d’États qui n’ont qu’une peur : avoir des câbles sous-marins contrôlés par les Chinois et avoir des technologies qui ne sont que chinoises. Nous sommes des alliés pour cette stratégie et ils ont à cet égard une vraie complémentarité et une synergie d’agenda avec l’Europe. Et donc cet axe indopacifique a beaucoup de synergie avec ce que nous voulons faire au niveau national et au niveau Européen. Voilà quelques-uns des grands axes géographiques qui à mes yeux nous permettent de constituer cette puissance d’équilibre au-delà de la gestion des crises que j’évoquais.
La deuxième priorité c’est de travailler à la construction d’une souveraineté européenne. J’ai plusieurs fois souligné ce point. Il est au coeur du projet Européen que je partage avec beaucoup dans cette salle. Cette souveraineté Européenne n’est pas un vain mot. Je crois que nous avons très longtemps commis l’erreur de laisser le mot de souveraineté aux nationalistes. Souverainisme est un joli mot. Il renvoie à ce qui est au coeur de notre démocratie et notre République, c’est le fait qu’à la fin, celui qui est souverain, c’est le peuple. C’est lui qui décide. Mais si nous perdons la maîtrise de tout, cette souveraineté ne mène à rien. Et c’est une aporie démocratique qui consiste à ce que le peuple puisse souverainement choisir des dirigeants qui n’auraient plus la main sur rien. Et donc, la responsabilité des dirigeants d’aujourd’hui c’est de se donner aussi les conditions d’avoir la main sur leur destin, l’avenir de leurs peuples pour pouvoir être responsable et agir.
L’Europe, ces dernières décennies s’est construite comme un espace formidable d’ouverture, d’amitié, de paix et de délitement de la souveraineté. Nous sommes le marché le plus ouvert, le plus naïf. Bienveillant, mais contrairement à ce que parfois certains de mes amis que je fréquentais hier peuvent dire : nous ne sommes pas l’espace le plus fermé sur le plan commercial, loin de là ni sur tous les autres supports. Et nous avons oublié le fil de notre souveraineté au niveau européen. Nous n’avons pas oublié au niveau national sur le plan militaire, sur le plan économique ou autre mais nous devons le repenser au niveau Européen, très profondément parce qu’il n’y a qu’au niveau européen qu’on puisse le bâtir sur beaucoup de sujets. Qu’il s’agisse du sujet numérique, du sujet climatique et bien d’autres. Cette souveraineté européenne doit passer par un agenda ambitieux qui est au coeur d’ailleurs de ce que la présidente de la Commission européenne a repris de notre projet dans son discours devant le Parlement européen et de ce que nous avons à bâtir pour les 5 ans à venir.
Et cet agenda de souveraineté européen doit à mes yeux aussi inclure très profondément la Grande Bretagne. Quelle que soit l’issue du Brexit, il est indispensable que nous continuions à penser notre souveraineté avec la Grande-Bretagne. Sur le plan militaire, sur le plan stratégique, sur tous les sujets. Il y a évidemment la défense de nos intérêts à court terme, les règles qui doivent être respectées, la souveraineté et l’unité de l’Europe. Mais là aussi, l’histoire et la géographie ont leurs réalités. Une forme de déterminisme. Et donc, nous devons l’inclure dans cette réflexion.
Mais la souveraineté européenne est indispensable à penser. D’abord, sur le sujet de la Défense. Regardez le chemin accompli depuis 2 ans. Depuis les années 50, nous n’avions pas avancé sur la défense européenne. C’était même un interdit, voire un impensé. Nous pouvons avoir plus de souveraineté en matière de défense sans d’ailleurs rien renier de notre souveraineté nationale et de notre autonomie stratégique et opérationnelle. Nous avons constitué une coopération renforcée en matière de défense, un fonds européen de défense et une initiative européenne d’intervention. Que n’ai-je entendu quand il y a 2 ans, quasiment jour pour jour, à la Sorbonne, j’ai proposé cette initiative européenne d’intervention. Fadaises, folie française, il n’y arrivera jamais. Je vous le dis pour documenter mon incitation à l’audace. Eh bien, l’initiative européenne d’intervention, elle a été signée le 14 juillet dernier. Vous aviez, pour notre fête nationale, les États signataires autour de la table à la tribune devant nos concitoyens et nos armées et autour de la table ici. La Grande Bretagne était là, l’Allemagne, tous les signataires. Chose que je vous demande de mesurer. La Finlande, comme l’Estonie. La Grèce veut aujourd’hui entrer. Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire que les États européens qui étaient jusqu’alors les plus nerveux sur les sujets de défense, qui parfois n’avaient conçu leur protection que pour les uns dans un rapport particulier avec la Russie. Pour les autres que dans une relation à l’OTAN considèrent que l’Europe va redevenir souveraine sur le plan de la défense. Ce n’est pas une initiative qui vise à remettre en cause l’OTAN mais elle est complémentaire de celle-ci très profondément parce qu’elle nous redonne là aussi de la marge de manoeuvre et de l’autonomie stratégique. Je crois que cette souveraineté sur le plan militaire est indispensable y compris dans le contexte de tension sur le contrôle des armements que j’évoquais tout à l’heure.
La souveraineté, c’est celle aussi que nous devons repenser à nos frontières. Je viens de dire un mot parce que j’ai évoqué tout à l’heure les sujets démographiques et migratoires. Nous devons être mieux capables de protéger nos frontières. Et là-dessus, je demande aussi votre mobilisation extrêmement forte. En effet, l’Europe vit depuis 2015 une crise migratoire inédite dont d’ailleurs les prémices sont profondément différentes entre 2015 et aujourd’hui. Crise géopolitique au Levant d’abord, déséquilibres profonds en Afrique et crise libyenne. Aujourd’hui, il nous faut sortir de la gestion des urgences à répétition en matière de migration. Nous devons mettre en place un mécanisme soutenable de débarquement sur la base de ce que nous avons acté à Paris, en juillet avec le HCR et le l’OIM par un travail là aussi des ministres des affaires étrangères et de l’intérieur. Indispensable. Nous devons reprendre rapidement aussi le filtre que nous avons engagé à Paris dès le mois d ’août 2017 et qui a permis des résultats. Un dialogue structuré entre les pays européens et les pays de la rive sud de la Méditerranée pour poursuivre quatre objectifs principalement : prévenir les départs et accélérer les retours de ceux qui n’ont pas vocation à venir en Europe et après bénéficier de la protection asilaire. Intensifier la lutte contre les trafics d’êtres humains qui est le coeur d’une bataille qu’on doit avoir et qu’on oublie souvent dans nos débats. Ouvrir des voies d’accès directement depuis les pays tiers pour ceux qui ont droit à notre protection et éviter que ceux qui ont droit à l’asile ne prennent tous les risques et puissent bénéficier de cette protection au plus près de leur pays et permettre à ceux qui sont pris au piège en Libye de pouvoir rentrer dans leur pays d’origine avec le soutien de l’Organisation internationale des migrations, de l’Union africaine et de l’Union européenne. On a su faire un peu ça lors de la crise de la fin de l’année 201 7. Mais nous ne savons pas le faire dans la durée. Et je dois le dire, c’est un peu notre faute collectivement. Là aussi, nous avons une forme, nous avons des convictions profondes, administratives, aussi bien au ministère de l’intérieur qu’au ministère des affaires étrangères qui fait qu’on a tendance à ne pas vouloir bouger sur ces sujets-là. Il y a toutes les théories, celle de l’appel d’air, celle de … il faut revoir tous ces dogmes. Cela, je le dis depuis l’été 2017. Et nous-mêmes, nous ne le faisons pas. Je vais moi-même intensifier mon implication sur ce sujet parce que je considère que ce n’est pas de notre intérêt de ne pas bouger sur ce point. Je le dis dans un contexte où la France est en train de devenir le premier pays européen de demandes d’asile. Ne soyons pas naïfs. Ce n’est pas les gens qui prennent le bateau en Libye notre problème. Ce n’est pas ces scènes inacceptables sur le plan humanitaire que nous vivons. Ce sont tous les gens qui rentrent par tous nos voisins Européens, qui ont déjà commencé à demander ailleurs l’asile et qui viennent parce que nous sommes un pays assez mal organisé sur ce plan, auquel nous ne sommes pas assez ni efficace ni humain. Nous devons intensifier là-dessus très profondément notre travail.
Très rapidement, cette souveraineté européenne, au-delà de ces deux sujets qui sont les frontières et la défense, nous devons la penser, l’organiser, pour rebâtir une vraie souveraineté industrielle et climatique. Et je dis à dessein ces deux mots. L’Europe a été formidable pour penser une stratégie concurrentielle. Très utile pour créer plus d’innovation, plus de concurrence, protéger les consommateurs. Et il ne faut pas perdre cette qualité. Mais nous n’avons plus pensé notre stratégie industrielle. Et nous avons construit les éléments de notre dépendance, industrielle technologique sur beaucoup de sujets. Il nous faut donc dans la stratégie à venir, pouvoir repenser cette stratégie industrielle qui se lie d’ailleurs à l’agenda climatique. Parce que l’industrie de demain ne sera que compatible avec cet agenda. C’est-à-dire une Europe qui investit dans la recherche et l’investissement beaucoup plus massivement et en particulier dans les nouveaux secteurs industriels qui rebâtit des règles de concurrence qui sont compatibles avec cette souveraineté industrielle et qui considèrent qu’on doit regarder les champions au niveau d’un marché pertinent qui est devenu un marché mondial dans tous ses secteurs et une Europe qui décide d’avoir une vraie stratégie climatique ou industrielle et donc qui met un vrai prix du carbone suffisamment élevé pour inciter à la transition que mènent nos acteurs et un vrai tarif aux frontières pour éviter la concurrence déloyale d’acteurs qui ne jouent pas la même transition. Pendant trop longtemps, nous avons joué divisé sur ce sujet. Il est indispensable de retrouver cette souveraineté. Si on veut demain continuer à avoir une vraie souveraineté sur ces sujets, continuer à produire nos centrales, nos services climatiques environnementaux, nos avions et nos technologies de défense et toute notre industrie. C’est indispensable. Et dans cette stratégie-là, je mets évidemment la souveraineté technologique qu’il nous faut poursuivre. Sur la 5G, quel est notre choix ? Choisir entre une technologie américaine ou chinoise ? Je pense très profondément que nous devons défendre une vraie souveraineté européenne sur ce point sans stigmatiser qui que ce soit. C’est ce que nous avons décidé au niveau français par des choix que le Premier ministre a fait avec les ministres pour pouvoir décider que dans certains secteurs technologiques les plus sensibles il nous fallait maîtriser les composants et pour éviter qu’il y ait une trop grande dépendance de nos opérateurs de télécommunications à certaines technologies. Nous avons ce faisant déclenché un véritable mouvement au niveau européen. Chez nos partenaires qui ont reconsidéré certaines de leurs exigences. Il nous faut maintenant bâtir une vraie stratégie et des acteurs au niveau Européen.
C’est aussi une souveraineté économique et financière qu’il nous faut repenser. Je parlais de l’Iran tout à l’heure. On peut continuer fièrement à défendre notre agenda iranien. Pourquoi nous trouvons-nous dans cette situation ? Parce qu’il y a une extraterritorialité de fait du dollar. Parce que nos entreprises, même quand nous décidons de les protéger, d’avancer, elles dépendent du dollar. Je ne suis pas en train de dire qu’il faut lutter contre le dollar, mais il faut construire une vraie souveraineté économique et financière de l’euro. Et là aussi, nous avons été trop lents. Et ce sur quoi nous devons nous battre, c’est véritablement un renforcement, une intégration plus grande de la zone euro, une intégration plus grande des marchés financiers de la zone euro et des acteurs, et une capacité à bâtir tout ce qui construit véritablement une souveraineté financière et monétaire. Nous n’en sommes pas encore là. Et c’est indispensable. C’est aussi une souveraineté numérique qu’il nous faut bâtir. Nous avons beaucoup avancé sur ce point, beaucoup, avec un règlement inédit au niveau européen, protégeant les données individuelles, qui d’ailleurs a été repris par plusieurs amis. Il nous faut aller encore plus loin. Poursuivre la réflexion en termes de fiscalité et de protection des données. Et l’Europe est le bon niveau.
C’est aussi une souveraineté culturelle qui est indispensable pour mener le projet que j’évoquais tout à l’heure. Nous avons, avec succès, défendu les droits d’auteurs mais nous portons un projet bien plus profond pour le patrimoine européen, pour la culture et le savoir européen, ce que nous avons lancé sur les universités et ce que nous avons déclenché pour la circulation des oeuvres d’art et des grands projets culturels européens est indispensable, parce que c’est par ce truchement que nous pouvons retrouver la force et l’inspiration du projet que j’évoquais tout à l’heure. Et c’est aussi un élément de souveraineté. Parce que la souveraineté touche à l’imaginaire européen. Et c’est considérer que les romans, les rêves que nos concitoyens ont le droit d’avoir, de lire, de partager, les films, les spectacles doivent pouvoir relever d’un imaginaire qui est le nôtre, d’artistes qui sont les nôtres et pas simplement d’avoir le choix contre des produits d’importation et des i maginaires qui n’ont pas nos racines profondes. Cette stratégie, je crois qu’elle est absolument indispensable et elle doit aussi conduire à travailler ensemble et réinvestir le sujet de la souveraineté linguistique en Europe. Je ne reviendrai pas ici sur le sujet de la Francophonie que j’ai longuement développé en particulier au mois de mars 2018 à l’Académie française. Mais cette stratégie, nous devons la voir partout dans le monde, mais la réinvestir sur le plan européen est indispensable. Nous avons le sens du paradoxe. Mais si au moment du Brexit nous décidions que pour toujours l’anglais serait la seule langue de travail européen, ce serait étrange. Je pense que nous avons là une véritable carte à jouer qui consiste à réinvestir de l’éducation aux forums de discussion, un véritable travail. Pour réussir cette stratégie européenne. Cette stratégie de souveraineté qui vous le voyez combien est complémentaire de cette stratégie de puissance d’équilibre.
Ce que je vous demande aussi c’est de réinvestir le travail bilatéral. J’ai parfois été frappé de voir que l’Europe avait été en notre sein, laissée aux spécialistes. Il en faut et ils sont d’immenses qualités. Mais il nous faut réussir à trouver cette articulation entre évidemment l’indispensable travail interministériel sur les sujets européens qui irriguent notre quotidien et qui doit être coordonné. Il l’est par les services du Premier ministre. Mais je pense qu’il faut aussi réinvestir le dialogue bilatéral. Il est complémentaire du dialogue communautaire. Il est complémentaire parce qu’il nous redonne des marges de manoeuvre. Je me permets de vous le dire parce que c’est ce que j’ai tenté de faire depuis 2 ans. J’ai fait 20 déplacements bilatéraux parmi les pays de l’Union européenne en 2 ans. Je suis parfois revenu dans des pays qui n’avait plus été visité par des présidents depuis 15, 20 ans. C’est fou. Et réinvestir l’action bilatérale, c’est retrouver parfois qu’ on a désinvesti cette relation sur ou le plan politique, ou plan culturel, souvent éducatif parce que le français recule dans beaucoup de ces pays, etc, mais c’est surtout se redonner des marges de manoeuvre dans le jeu européen. Parce qu’on arrive à trouver des alliances autour de la table du conseil quand on n’a réinvesti la relation bilatérale. Et je dois bien dire que l’Allemagne a été beaucoup plus efficace que nous durant les 15 dernières années sur ce sujet. Donc, nous devons parler avec tous les groupes. On doit réinvestir le dialogue avec les États Baltes, les États de l’Est, le groupe de Visegrad, les pays de la rive sud de la Méditerranée et je pense que c’est un élément indispensable sur lequel je vous demande de vous réengager très profondément.
Je pense aussi que nous devons réussir, j’y reviendrai en conclusion mais à réinvestir tous les sujets techniques avec un angle diplomatique. C’est une des grandes difficultés de notre travail diplomatique contemporain. Les sujets se technicisent. Et donc, quand les sujets se technicisent, le risque, c’est qu’on perde la vision d’ensemble. Et donc, qu’il ne soit mené que par les techniciens de certains ministères ou parfois que par des gens qui sont moins techniciens et donc les connaissent moins. Et donc, le risque, c’est le risque du hiatus, pardon de rentrer dans la cuisine mais c’est quand même ainsi qu’on construit des résultats utiles. Quand on parle des sujets numériques. Si c’est un diplomate généraliste qui les traite, il est moins efficace qu’un expert du numérique. Et on a essayé les deux sujets, je peux vous le dire, il n’y a pas photo. Par contre, si ce n’est qu’un expert du numérique qui traite dans son coin dans la filière numérique, il perd de vue la grande vision diplomatique et les intérêts qui sont les nôtres. Donc, il faut qu’on arrive à marier ces compétences de façon utile. Et je pense que sur le sujet européen, c’est indispensable. Et c’est comme ça que nous pourrons réinvestir des sujets sur lesquels nous avons perdu beaucoup de terrain, qui sont les sujets des standards européens, des normes et de ce qui permet de définir aussi ces éléments de souveraineté.
Et je vous demanderai enfin sur l’Europe de réinvestir géographiquement les Balkans occidentaux. J’ai fait au mois de juillet un déplacement en Serbie, où quelques-uns d’entre vous m’ont accompagné. Je crois que la dernière visite présidentielle datait de 2001. C’est fou ! Et quand je regarde ce qu’on investit par exemple sur le plan culturel, on y investit sur le plan public beaucoup moins que dans des États beaucoup moins stratégiques et beaucoup plus éloignés que nous alors que nous sommes attendus formidablement. Et avoir une stratégie européenne, c’est aussi penser les frontières de l’Europe. Nos marges, nos voisins et des pays qui plus est nous aiment profondément et où nous devons réinvestir pour ne pas laisser des puissances non européennes faire le jeu à notre place. Sinon les Balkans occidentaux seront décidés entre les États-Unis, la Russie et la Turquie. Là aussi, l’Allemagne a une pensée et je dois le dire, plus efficace et stratégique que nous. Je souhaite qu ’on puisse réallouer les moyens et de l’efficacité sur ce sujet.
Troisième priorité sur laquelle je voulais revenir avec vous, c’est de construire un partenariat renouvelé avec la Méditerranée et l’Afrique. Je ne couvrirai pas, je vous rassure toutes les aires géographiques mais je veux couvrir quelques points où j’avais pu moins parler les deux fois précédentes où je souhaitais aller plus loin aujourd’hui. C’est au fond notre politique de voisinage stratégique ce partenariat. Mais il est indispensable là aussi de la poursuivre, de la relancer. Je ne reviendrai pas ici ni sur la Syrie ni sur la Libye. Je l’ai évoqué longuement en conférence de presse hier. Nous travaillons étroitement sur ces sujets de crise qui sont évidemment notre, notre quotidien. Nous sommes profondément engagés. Il était au coeur de ce G7 et de ce que j’ai pu également en dire, pas plus que je ne reviendrai ici devant vous sur le processus de paix au Proche-Orient. Le travail sur ce sujet simplement je le dis, doit profondément se poursuivre et être relancé.
Pourquoi je n’ai pas décidé de prendre d’initiatives ? Parce que je pense que les conditions ne sont pas remplies sur le territoire. Je pense que les initiatives qui viennent du bout du monde ont généralement peu de succès. Mais je suis aussi convaincu d’une chose, c’est que le statu quo ne fonctionne pas et qu’il n’est pas soutenable. Nous avons sur ce sujet et je l’ai réitéré à plusieurs reprises, des convictions, une position de la France qui n’a jamais été démentie. Je pense qu’avec quelques-uns de nos alliés, il va nous falloir travailler là aussi de manière innovante pour trouver une solution utile et nous n’y sommes pas. Je voulais simplement ici parler rapidement de la rive sud de la Méditerranée et de l’Afrique sur ce partenariat. Nous avons en effet avec la rive sud et la Méditerranée des liens historiques civilisationnels, culturels très profonds. Et l’Europe ne peut pas réussir et la France au premier chef, si nous ne repensons pas et revisitons pas ces liens. On ne parle plus aujourd’hui de la Méditerranée qu’à travers le sujet des migrations, ce scandale humanitaire que j’évoquais, où les sujets de protection sur lesquels nous devons nous organiser. Là aussi, c’est le risque d’un affaiblissement géopolitique et domestique. Car quand on parle de la rive sud de la Méditerranée comme de l’Afrique, on parle aussi de fait, de la France. J’ai été amenée à le redire lors des commémorations du mois d’août. La France a une part africaine en elle parce que des combattants de ce continent ont sauvé notre pays et notre liberté. Et nos destins sont liés, même s’ils sont aussi liés par des pages sombres et des blessures. Alors au Maghreb aujourd’hui, bien évidemment, nous sommes attentifs aux situations, aux messages portés par le peuple algérien, à la situation éminemment sensible aujourd’hui en Tunisie. J’ai eu l’occasion lors des obsèques du Président Essebsi de combien nous étions aux côtés du peuple et de la nation tunisienne dans ce mom ent critique. Toujours dans le respect de leur souveraineté et de l’amitié qui nous tient ensemble. Il nous faut pouvoir réinvestir ce lien là aussi de manière nouvelle, équilibrée. Sans les oripeaux ni du colonialisme ni de l’anticolonialisme. Et je crois très profondément que ça peut passer par un dialogue plus vivant entre nos sociétés civiles.
C’est pourquoi j’avais souhaité à Tunis annoncer ce sommet des deux rives et donc un dialogue entre les sociétés civiles, universitaires, académiques, entrepreneuriales, et bien sûr les gouvernements, pour essayer que les choses recirculent à la fois entre nos deux rives, compte-tenu des liens qui sont les nôtres, mais aussi sans doute entre les pays de la rive Sud. Parce ce qui doit nous frapper aujourd’hui c’est que le Maghreb n’est plus une réalité géopolitique, que les divisions sont très profondes entre ces pays, ce qui les fragilise et les bloque dans leur propre développement. Nous avons tenu un premier sommet à Marseille en juin dernier et je souhaite que nous puissions poursuivre collectivement ce travail et que toutes et tous vous puissiez être très profondément engagés en allant chercher ce qui partout dans ces sociétés civiles, ces intellectuels, ces artistes peuvent irriguer un nouveau dialogue. Je dois vous dire que j’ai été frappé à Marseille en juin dernier de voir la vitalité de ce dialogue quand certains de ces pays avaient joués le jeu. Il y avait une jeunesse libyenne, tunisienne, mauritanienne en particulier, extraordinairement inspirante et nous proposant d’ailleurs des coopérations, des liens auxquels nul n’avait pensé et qu’on n’entend pas dans le dialogue intergouvernemental. Et donc je crois que cette voie est féconde et je souhaite qu’on puisse ensemble la poursuivre. Notre destin, il est également indissociable de celui de l’Afrique. Nous y sommes extraordinairement engagés aujourd’hui et nous devons continuer à le faire mais, en essayant de poursuivre ce que j’ai pu appeler cette conversion du regard réciproque.
L’Afrique nous y sommes engagés sur le plan militaire, là aussi j’en ai longuement parlé à plusieurs reprises devant vous donc je serai rapide mais nous continuons de l’être. Nous sommes engagés dans les crises, la crise libyenne que j’évoquais, sur laquelle je crois une avancée forte a été tenue lors de ce G7 en actant d’une conférence internationale et de la conférence inter-libyenne, en associant des États africains qui jusqu’alors étaient sceptiques sur ce processus, mais avec lesquels nous travaillons étroitement. Et bien évidemment il y a le sujet du Sahel. C’est un théâtre d’opération pour nos armées essentiel, c’est un sujet sur lequel la France il y a un peu plus de 5 ans a été déterminante pour éviter la montée du djihadisme et que celui-ci ne s’installe. Et sans la décision rapide de la France d’intervenir, sans la qualité d’exécution de nos armées, les choses ne seraient sans doute pas les mêmes aujourd’hui au Sahel. Néanmoins nous sommes aujourd’hui, on le voit bien, dans un contexte de déstabilisation et d’expansion du phénomène terroriste au Sahel.
Maintenant, cela commence dans le golfe de Guinée et dans la région du lac Tchad. Nous devons être prudents quand on parle de terrorisme dans cette région parce qu’il n’a pas les mêmes caractéristiques que le califat territorial qu’on a pu connaître au Levant. Et ce sont aussi des groupes terroristes qui jouent des divisions ethniques, du phénomène économique et c’est, si je puis dire, une traduction africaine très spécifique. Néanmoins, il nous faut ici soutenir les États souverains de cette région. Et donc dans ce contexte, nous continuerons d’être engagés évidemment avec l’opération Barkhane, avec force, en étant mobiles sur le plan opérationnel comme nous le sommes, mais il est indispensable que cela se double d’un réengagement de nos partenaires africains ce que nous avons voulu à travers d’une part le G5 Sahel et d’autre part l’Alliance pour le Sahel, le pilier militaire et le pilier de développement, et à travers un élargissement de cet engagement de la communauté internationale et des États voisins comme nous l’avons lancé avant-hier avec la Chancelière Merkel et le Président Kaboré dans ce nouveau Partenariat de stabilité et de sécurité pour le Sahel qui permet le réengagement d’États du Golfe de Guinée qui étaient spectateurs mais qui commencent à voir les conséquences de ce conflit, qui permet les partenariats entre États africains sur ce sujet et qui permet aussi une implication de la communauté internationale sur ce sujet sécuritaire pour aider chacun d’entre eux.
Mais l’Afrique est bien davantage pour nous, elle est notre indispensable allié pour que l’Europe continue de jouer tout son rôle dans les affaires du monde et nous avons posé les bases du nouveau partenariat qui nous est nécessaire pour relever les grands défis de demain lors du discours prononcé à Ouagadougou en novembre 2017, et c’est autour de cela qu’il nous faut poursuivre. Et là aussi c’est un travail important que je vous demande, mais que je crois profondément essentiel, qui est une conversion de notre propre action, de la relation avec nos partenaires africains et de nos méthodes. D’abord en aidant l’Afrique dans ses projets régionaux et d’intégration en cours, je crois qu’il nous faut participer à ce changement. C’est pourquoi nous accompagnons la CEDEAO dans sa marche vers une monnaie unique, parce qu’il y avait jusque-là de notre côté des blocages, de leur côté des tensions. Ce chemin sera difficile et rien n’est fait, mais je crois que ce serait une contribut ion historique de la France à aider l’Afrique de l’Ouest à avoir une vraie intégration économique et monétaire sur ce sujet. C’est pourquoi aussi nous soutenons le projet de l’Union africaine d’aller vers une zone de libre-échange à l’échelle continentale. C’est pourquoi aussi, sur tous les conflits nous avons réengagé l’Union africaine pour travailler avec nous, pour prendre le leadership des opérations et pour appuyer cette stratégie consistant à avoir les opérations onusiennes en partenariat étroit avec l’Union africaine. C’est pourquoi aussi, j’assume que sur les sujets politiques les plus sensibles, les situations de transitions démocratiques et politiques, parfois les plus complexes, nous ayons adopté une stratégie de pression par les pairs et pas d’expression directe ou de leçon donnée. Certains ont pu parfois me reprocher des silences mais ces silences n’ont jamais valu inaction. Ils se sont construits dans des stratégies méticuleuses d’alliances avec d’autres dirige ants africains pour que les choses soient faites. Et je crois qu’en RDC cette stratégie a été payante, je ne sais pas si elle a permis d’avoir tout ce qui était souhaité sur le plan démocratique, elle a en tout cas permis ce qui était souhaitable sur le plan d’une alternance. Et sur beaucoup d’autres sujets de tension, comme le Togo un moment et comme d’autres qui viendront c’est cette stratégie qui je pense est le fil conducteur qui doit nous inspirer. Mais je pense que plus largement, ce que nous voulons c’est ne plus avoir une relation avec l’Afrique qui repose sur un sentiment ou parfois des réalités d’asymétrie. Et donc c’est concevoir nos stratégies avec nos partenaires africains, c’est de les porter avec nos partenaires africains et c’est de réinvestir ces stratégies avec eux et pour eux. C’est pour cela que l’agenda de Ouagadougou, nous l’avons déclinée sur le sport de manière très concrète, en ayant un partenariat avec des fédérations sportives de basket ou de footb all, avec les fédérations olympiques et les pays. Nous l’avons déclinée sur le plan culturel, en ouvrant ce vaste sujet de la restitution des oeuvres d’art, indispensable pour pouvoir aider nombre de ces États à rebâtir et repenser leurs propres imaginaires et le faire en partenariat avec la France.
C’est pourquoi nous avons aussi voulu rouvrir le sujet éducatif, là aussi sur d’autres bases. Et j’assume profondément la réforme de l’université qui a été portée parce qu’elle s’est doublée d’une stratégie éducative responsable. Jusqu’à présent on acceptait tout le monde gratuitement en France, c’était formidable et on avait un système qui était au fond postcolonial, pour dire les grands mots que certains utilisent. Parce qu’on disait à tous les étudiants dans nombre de pays « Vous voulez faire des études supérieures ? Venez en France, c’est formidable. » Et on actait qu’il était impossible, ne serait-ce que de faire une licence dans leur propre pays. Nous avons adopté une stratégie qui consiste d’abord à dire que l’éducation supérieure a un coût et je crois que c’est juste. Le coût que nous y avons mis 10 à 20 fois inférieur à ce que les Canadiens, beaucoup d’autres Européens ou les Américains mettent. Nous avons un effort fait sur les bourses, qui fait que d’ailleurs les inscriptions universitaires ne baissent pas cette année. Mais à côté de ça nous avons réinvesti une stratégie de partenariats éducatifs, tout particulièrement en Afrique, et pour la première fois en ouvrant des cycles universitaires dans des pays, qui sont nos alliés depuis tant et tant de décennies et en permettant qu’on puisse faire certains cycles, certains premiers cycles universitaires en effet au Sénégal, en Côte d’Ivoire, aussi fou que cela puisse paraître, en proposant et en le faisant en Tunisie, en le proposant en Algérie. Et je crois que c’est ça la vraie voie de ce développement et de ce partenariat, c’est que nos enseignants puissent irriguer ce qui est notre force éducative, de permettre dans ces pays un développement éducatif et d’avoir une vraie stratégie d’alliance et pas d’hégémonie.
C’est aussi ce que nous voulons en termes économiques, la pensée de ce nouveau partenariat africain. L’initiative dite AFAWA annoncée il y a quelques jours pour l’entrepreneuriat féminin a été pensée par les Africains avec la Banque africaine de développement Nous la finançons. Et donc, ce que j’appelle cette conversion du regard, c’est-à-dire que nous-mêmes nous devons agir et travailler différemment avec les Africains pour eux-mêmes, penser leur action avec eux et considérer que les actions les plus en pointe sont à faire avec les Africains en Afrique. Et j’en veux deux exemples : la transition climatique est pour moi un des axes stratégiques de l’action que nous devons avoir avec l’Afrique, parce qu’ils en sont les premières victimes et parce qu’ils ont la possibilité d’en être les principaux théâtres de développement. La stratégie dite Desert to Power de la Banque africaine de développement et de la Banque mondiale doit être au coeur de la relation que l’Agence françai se de développement, qui joue un rôle essentiel évidemment dans cette stratégie, a avec ces structures, et c’est ce que nous avons pu lancer par exemple au Burkina Faso il y a quelques mois, et développer. Et c’est la même stratégie avec l’Afrique que nous devons avoir en matière d’innovation.
C’est aussi pour ça que nous avons décidé que l’innovation sera le thème majeur du sommet Afrique-France que nous accueillerons à Bordeaux en 2020. C’est une manière de prendre acte qu’au fond demain se prépare en Afrique, et avec les Africains.
Je crois que sur ce sujet, cette ligne qui peut être parfois une ligne de crête pour nous, c’est une stratégie essentielle et la plus efficace. Ne tombons pas dans le piège qui consisterait à faire de l’Afrique un théâtre d’influence. Il y a aujourd’hui une stratégie chinoise, une stratégie japonaise, une stratégie turque, chacune avec leur logique, évidemment une stratégie américaine en Afrique. Je crois très profondément que notre stratégie n e doit pas être une stratégie de part de marché et d’influence, d’hégémonie prédatrice qui parfois est au coeur de certains de ces projets que je viens de citer. Non. Elle doit être de réinventer un partenariat parce que nous avons parfois fait des erreurs dans le passé. Donc nous pouvons nous inspirer des erreurs faites et nous en instruire. Je crois que cette ligne est la seule féconde. Je ne parlerai pas évidemment sur ce point de tous les sujets, et je crois important de poursuivre les stratégies que nous avons sur les autres plaques continentales qui sont les nôtres.
Quatrième priorité sur laquelle je voulais ici revenir, et qui est pour moi un axe essentiel : c’est d’ancrer par les résultats une diplomatie des biens communs, et au fond d’essayer d’avoir dans le cadre multilatéral d’apporter notre part de réponse aux déséquilibres du monde et aux inégalités que j’évoquais tout à l’heure. D’abord en réinvestissant nous-mêmes le cadre multilatéral. Je l’ai plusieurs fois dit en parlant d’un multilatéralisme fort. Certains veulent aujourd’hui construire des choses en dehors du cadre multilatéral, disant je peux le faire en décidant moi-même. Je crois que ça n’est pas notre intérêt. Et le grand risque est qu’un cadre multilatéral alternatif soit bâti par d’autres en particulier la Chine qui est au coeur de sa stratégie. Je pense donc que si nous voulons avoir des vrais résultats dans cette diplomatie des biens communs il nous faut assumer ce multilatéralisme fort, être très présent et fort dans les enceintes multilatérales comme nous le so mmes à l’ONU, réinvestir et être innovant dans les enceintes qui sont en crise comme à l’OMC ; c’est l’engagement que nous avons pris d’accueillir. Si nous ne sommes pas innovants à l’OMC, l’OMC disparaîtra. Et réussir à trouver de nouveaux alliés, c’est le cadre de l’initiative que nous porterons en marge de l’assemblée générale des Nations unies avec cette alliance pour un nouveau multilatéralisme, ou avec l’Allemagne. Nous rassemblerons non seulement des puissances européennes mais des puissances démocratiques de bonne volonté qui partagent cette vision du monde et sont sensibles à ces équilibres. Je crois que cette stratégie est absolument essentielle si nous voulons tenir les structures du multilatéralisme, les réinvestir pleinement et en porter la pensée, en tout cas l’irriguer.
Mais au-delà de ça sur beaucoup de sujets de biens communs, il nous faut avoir des résultats dans les prochains mois. Le premier d’entre eux évidemment, c’est le climat et la biodiversité. Et l’essentiel se jouera, je dois le dire sur ce point, dans l’année qui vient. Beaucoup de choses sont en train de bouger. En matière de réchauffement climatique, je le disais, nous connaissons la position américaine, mais est-ce qu’elle a fragilisé notre jeu diplomatique international ? Je ne crois pas. Nous avons réussi à convaincre la Russie de lancer la ratification des accords de Paris, processus qui attendait depuis la signature. Nous avons convaincu l’Inde comme je le disais de joindre la coalition neutralité carbone 2050. Et donc les choses sont en train de bouger très profondément. Les rendez-vous à venir sont importants. Le sommet du secrétaire général des Nations unies sur le climat en septembre, la COP au Chili en décembre, le Congrès mondial de l’UICN à Marseille en juin 20 20, puis la COP biodiversité à Pékin en octobre. Sur ces sujets il nous faut poursuivre l’avancée pratique et les coalitions.
D’abord sur les financements : J’ai annoncé au G7 le doublement de la contribution française au Fonds vert. Au total et grâce notamment à l’engagement de l’Allemagne et du Royaume-Uni ce sont 4,8 milliards d’euros qui ont pu être actés. Je vous demande d’aller chercher une par une les contributions pour que la reconstitution du Fonds vert soit un succès. L’enjeu est en septembre de passer un cap dans la mobilisation de l’ensemble des acteurs du système financier pour qu’ils intègrent les risques climatiques dans leurs décisions d’investissement. Sans cela la transition écologique ne passera jamais à l’échelle. Et vous savez que la France a eu ce mandat avec la Jamaïque sur le sujet des financements, et donc cette mobilisation de tout notre appareil diplomatique est essentielle pour parvenir à ce résultat. Ce sera aussi l’objectif du One Planet Summit décidé par nous et depuis décembre 2017 qui sera organisé en marge justement de l’assemblée générale des Nations unies.
Au-delà des sujets de financement, nous devons progresser sur la coalition neutralité carbone que j’évoquais, que nous avons portée au G7, là aussi. La priorité est sur ce point d’avancer au niveau européen selon les orientations définies par la nouvelle présidente de la Commission. Je rappelle qu’au mois de mars dernier nous étions deux, en Chine au mois de mai nous étions 8 européens. Nous avons maintenant convaincu beaucoup d’autres et je pense que nous allons finir le travail dans les prochaines semaines. C’est ce qui nous permettra d’engager un dialogue décisif sur cette question, en particulier avec la Chine, je le disais la Chine a fait une avancée importante à Osaka sur ce point, et je considère que la visite que j’effectuerai en novembre en Chine doit continuer encore les avancées sur ce sujet, parce que c’est devenu comme je l’ai évoqué un partenaire essentiel. Nous devons aussi poursuivre la dynamique lancée sur les coalitions concrètes. Je ne les citerai pas toutes, mais lors du G7 elles ont été largement présentées. Celles sur les gaz HFC, celles sur le transport maritime, ou celles sur le textile. Ces collections concrètes permettent de traiter des secteurs qui étaient jusqu’alors complètement ignorés. Le textile est le deuxième secteur le plus émetteur de CO2. Aucune action concertée n’avait été produite jusqu’alors. Nous avons su mobiliser des acteurs industriels, mais les États doivent s’engager aujourd’hui pour avoir des adaptations réglementaires qui les accompagneront. On parle d’un secteur qui représente 8 % des émissions, 30 % de la pollution des océans. Sur les gaz HFC qui sont infiniment plus polluants que le CO2, nous avons là aussi engagé une stratégie d’acteur industriel impliquant l’Inde là aussi de manière historique. Maintenant il nous faut des résultats. Quant au transport maritime, on le sait c’est un secteur polluant qui là aussi s’est engagé mais va nous imposer aussi un agenda dans les enceintes internationa les et avec nos principaux partenaires.
Sur la biodiversité l’urgence est démontrée et tout est à construire. Pour la première fois nous avons signé lors du G7 une charte pour la biodiversité qui est le résultat concret du premier rapport qui était celui de l’IPBES au printemps dernier. Mais il nous faut maintenant décliner un agenda concret. Ce sera la responsabilité de Marseille, et surtout de la COP biodiversité en Chine. C’est indispensable. Mais le pas qui était franchi à Biarritz est un pas historique. Parce que cette charte de la biodiversité a non seulement été signée par les membres du G7 mais par des pays comme l’Afrique du Sud ou l’Inde. Sur ce sujet comment évidemment ne pas évoquer ici ce qui s’est passé en Inde qui a conduit à une mobilisation extrêmement rapide des membres du G7 et de toutes les puissances présentes puisque j’ai pu présenter avec le Président Pinera hier l’initiative pour l’Amazonie que nous avons lancé. C’est une initiative qui répond aux besoins d’urgence en mobilisant nos moyens. Je remercie sur ce point aussi le ministre de l’intérieur qui a réagi tout de suite en dépêchant plusieurs pompiers qui étaient dans la région, en contribuant aussi financièrement parce que c’est ce qui peut être le plus efficace avec plusieurs autres pays, et surtout en nous mobilisant tout de suite pour la reforestation. Puisque le sujet est bien celui-ci, stratégique pour chacun des pays de l’Amazonie et stratégique pour la planète entière en matière de réchauffement climatique comme de biodiversité.
Sur ce sujet j’ai noté les inquiétudes sans doute les maladresses de quelques dirigeants considérant que la souveraineté c’était au fond l’agressivité. C’est, je crois, profondément une erreur. Nous sommes un pays souverain quand nous avons des grands événements nous acceptons avec bonheur et bienveillance la solidarité internationale, parce que c’est un signe d’amitié. Mais surtout il y a neuf pays en Amazonie. Il y a beaucoup d’autres pays qui ont sollicité notre aide et donc il est important de la mobiliser vite pour que la Colombie, la Bolivie, toutes les régions brésiliennes qui voudraient avoir accès à cette aide internationale puissent l’avoir et puissent reforester rapidement. Plus largement sur ces sujets, il nous faudra mener plusieurs réflexions pour poursuivre cet agenda et mener plusieurs actions. On voit que le cadre international change. La première c’est que quand on parle de l’Arctique, de l’Antarctique, des océans, de la forêt amazonienne ou de la forêt africaine qui brûlent aussi, tout en respectant la souveraineté des états qui ont des compétences territoriales sur ces régions, nous parlons très clairement de biens communs géographiques inséparables de notre biodiversité et du sujet climatique.
Il nous faut aussi construire la bonne gouvernance et le cadre international pour construire l’action utile. Je crois que c’est indispensable. Et ensuite il nous faut poursuivre le travail lancé, bloqué par beaucoup, pour construire les nouveaux droits environnementaux. Le travail que nous avions lancé après le groupe de travail présidé par Laurent Fabius précisément pour construire ce nouveau droit international, environnemental et la démarche qu’avait lancée la France doit être repris. Je crois qu’il ne faut pas que nous l’abandonnions, et je souhaite que nous puissions réengager par une initiative nouvelle la diplomatie française derrière cet objectif avec force car il est complémentaire de chacune des actions que je viens d’évoquer.
Parler de biens communs évidemment, c’est aussi parler de santé, je dirais là simplement un mot pour dire bien évidemment que la France en octobre aura à accueillir à Lyon la reconstitution du Fonds mondial contre le Sida, le paludisme et la tuberculose. Là aussi c’est une mobilisation forte de toute notre diplomatie qui est attendue. Au G7 nous avons ajouté au total près de 5 milliards d’euros de financement, j’annoncerai la contribution française à Lyon mais je vous demande d’ici là de vous mobiliser avec force pour atteindre l’objectif de 13 milliards d’euros qui est le nôtre. La diplomatie française doit aussi servir l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous l’avions mis au coeur de la lutte contre les inégalités au G7 mais là aussi il nous faut poursuivre une vraie diplomatie féministe. Le Canada avait initié d’ailleurs et inspiré cette démarche, il faut reconnaître à la présidence précédente ce mérite, nous avons gardé le Conseil consultatif pour l’égalité femme s-hommes et nous avons adopté un bouquet législatif formellement conformément aux recommandations qui étaient faites. Cette action doit être poursuivie, amplifiée en vue de la conférence que nous tiendrons à Paris en juillet 2020, puis Pékin 2025 qui sera un rendez-vous important sur ce point en termes de résultats.
La lutte contre les inégalités c’est aussi avoir un véritable agenda éducatif. Je vous le disais, c’est le continuum entre notre stratégie nationale et internationale. Nous nous sommes fortement investis l’année dernière pour reconstituer le Partenariat mondial pour l’éducation avec nos amis sénégalais. Nous sommes nous-mêmes investis pour nous engager davantage, nous devons poursuivre cette voie. C’est une des priorités de l’Agence française de développement, c’est une priorité de notre action, ça doit être une priorité aussi de notre engagement opérationnel comme je l’évoquais tout à l’heure en parlant de l’Afrique. Ce sera aussi une des priorités qui irrigue profondément la réforme de l’AEFE que présentera lors de son allocution devant vous le ministre de l’Europe et des affaires étrangères inspirée par plusieurs travaux parlementaires écrits par quelques-uns présents dans la salle et qui a été travaillée très étroitement par le ministre de l’éducation nationale et qui va nous permettre aussi de développer le modèle d’éducation française, d’avoir une capacité justement non seulement à apporter le service que nous devons à nos compatriotes mais à permettre aussi de développer l’enseignement en français, l’enseignement avec les méthodes françaises.
Et cette stratégie doit se poursuivre avec véritablement un investissement sur la formation des formateurs. Et je crois que partout où nous investissons dans l’éducation ne nous contentons pas de mettre des crédits ou des murs, il nous faut aussi nous assurer que nous faisons le nécessaire pour une éducation de qualité et cela fera partie de notre stratégie d’investissement. Sur l’ensemble de ces sujets nous nous donnons les moyens de l’action. Je confirme ainsi l’engagement que j’ai pris de porter à 0,55 % du produit intérieur brut notre aide publique au développement qui sera tenu en 2022. Cet investissement solidaire est au coeur de notre stratégie, il nous faut maintenant en définir tous les l eviers et surtout le mettre en cohérence avec les priorités stratégiques que je viens d’évoquer. Et c’est ce que je tâcherai de faire lors du Conseil présidentiel du développement que je tiendrai au début du mois d’octobre, le ministre aura ensuite à présenter le texte qui on procédera.
Enfin la dernière priorité sur laquelle je voulais vous parler elle est au fond de méthode. Si nous voulons réussir à véritablement nous penser comme puissance d’équilibre, rebâtir la souveraineté européenne, réussir à avoir des résultats sur cette diplomatie de biens communs et renouveler ce partenariat avec l’Afrique et la Méditerranée je crois qu’il nous faut aussi poursuivre le renouvellement profond de nos méthodes. Le G7 à cet égard a été par votre travail, votre mobilisation une illustration de cette méthode à laquelle je crois. C’est ce que j’évoquais tout à l’heure de manière plus stratégique, c’est l’audace.
Si la France et l’Europe n’ont pas de l’audace pour revisiter leurs schémas de pensée, leurs automatismes, réinvestir les instances internationales, personne ne le fera pour nous. Et nous sommes les seuls pour qui l’immobilisme est mortel. Les autres peuvent avoir une stratégie non-multilatérale, unilatérale ou bilatérale, nous non. Et donc ce que je vous inv ite très profondément à faire c’est d’avoir cette audace et en quelque sorte cette liberté d’action très profonde et de manière très simple. D’abord je pense qu’il est indispensable de renouveler et d’intensifier — je sais que beaucoup d’entre vous le font — mais les liens avec la société civile dans tous les interstices de chacun des pays où vous représentez la France et où se joue en profondeur pas simplement de la relation bilatérale mais la compréhension des enjeux profonds. La rencontre des artistes, des intellectuels, des créateurs exprime des failles profondes de ces pays et permettent de comprendre ce que la lecture sinon du jeu politique ou de ce que nous avons peut-être trop l’habitude de regarder ne permet pas de lire. Et je crois vraiment que ce que doit aujourd’hui apporter notre réseau diplomatique c’est cela.
C’est un travail extrêmement difficile, j’en ai conscience, mais c’est là où est la valeur ajoutée qui est la nôtre. Et donc je vous demande d’aller à la rencontre de tous ces milieux, de la jeunesse, d’être à l’écoute de ses idées, de ses aspirations, de ses projets, d’expliquer la France et ce que notre pays a de singulier, d’attractif, d’innovant mais aussi de comprendre ce qui se joue en profondeur dans chacun de ces pays. Je crois que nous en avons profondément besoin pour notre diplomatie. Et je pense que si nous voulons être l’épicentre de cette capacité à repenser les grandes tendances du monde et une action utile et d’agir nous devons aussi le faire avec la société civile et c’est là où nous devons continuer à innover. C’est pour cela que j’ai voulu créer l’année dernière le premier Forum de Paris pour la paix.
L’objectif de ce forum c’est de pouvoir au moins une fois par an à Paris avoir les grands penseurs, les think tanks, les entreprises, les gouvernements du monde entier qui puissent se réunir et penser un agenda commun. Mais ce travail avec la société civile, avec les intellectuels, les milieux académiques du monde entier, est essentiel si nous voulons rebâtir nous-mêmes, penser de manière juste les grands enjeux que j’évoquais, mais si nous voulons aussi avoir une action utile et les bons relais pour ce faire. Si nous avons pu faire avancer l’agenda de la protection de l’information dans internet lors de ce G7 c’est parce qu’il y a eu un travail très étroit avec Reporters sans frontières, qu’ils ont lancé cette initiative lors du Forum de Paris pour la paix l’année dernière et que nous avons poursuivi l’action. Et donc on sème ainsi des graines, on a des idées que nous n’aurions pas nous-mêmes et on tire les fils, et on a ensuite des partenaires de notre propre diplomatie. Et je crois que ce travail avec la société civile ne doit pas simplement être une case à cocher. C’est comment on reconstruit la compréhension profonde d’un pays, la compréhension intime de la France dans ces pays mais aussi une action utile pour nous-mêmes et sur le plan international. Parce que construire av ec les sociétés civiles de chacun de ces pays c’est aussi se donner la garantie qu’il y aura comme un écho de notre action dans ces pays.
C’est pourquoi lorsque l’on parle de l’Amazonie nous allons continuer de travailler avec les peuples autochtones, avec les régions, avec les organisations non gouvernementales parce qu’elles exerceront aussi une pression sur des gouvernements, y compris quand ils sont tentés par l’obscurantisme. Ce travail c’est l’efficacité de notre diplomatie. Mais au-delà de ça, ce que je vous demande, c’est au fond de multiplier les audaces intellectuelles et la ténacité opérationnelle. Ne pensez plus dans les cadres. Je vous ai donné quelques convictions que j’avais, j’attends de vous de les partager et d’agir efficacement pour les construire. Mais je crois qu’au-delà de ça vous devez être force de proposition, vous devez aider évidemment les directions à Paris, les ministres, le gouvernement, moi-même aussi à repenser ces équilibres qui sont en mouve ment. La diplomatie contemporaine est une diplomatie de mouvement et parfois nous sommes restés dans des guerres de tranchées qui nous empêchent.
Soyez force de proposition, ayez cette audace, proposez à chaque fois. Et ayez aussi cette efficacité opérationnelle qui construit notre crédibilité pour bâtir et faire advenir les initiatives qui sont partout prises et avec soin, aussi sur le plan bilatéral que multilatéral, obtenir des résultats. Et ça je pense que c’est un élément profondément utile. Cette diplomatie de l’audace, du mouvement est essentielle si nous voulons rebâtir. Je le disais, nous avons pris des engagements pour essayer de convaincre les Américains que régler le problème du commerce international ça n’était pas simplement avoir des guerres commerciales. Mais ceci ne fonctionne que si nous arrivons nous mêmes à réformer l’Organisation mondiale du commerce.
Au fond ce que je vous demande c’est de ne plus être des experts mais d’être à la fois des connaisseurs et amis des peuples où vous êtes et des inventeurs d’une diplomatie à rénover. Dans le monde qui advient on a toujours besoin d’experts techniques mais si on a des experts partout on ne pense que le monde ancien parce que, par définition, les experts ne sont experts que de ce qui existe déjà. Et donc j’ai besoin d’experts sur certains sujets, de connaisseurs intimes mais je dis d’amis parce que je pense que c’est cela qu’il faut, d’entrepreneurs, d’innovateurs diplomatiques. Et je pense que ça n’est pas simplement une lubie, c’est ce dont nous avons profondément besoin. Et enfin, et le ministre aura à s’exprimer devant vous sur ce point, je sais que le Premier ministre y reviendra, beaucoup de changements aussi ont été faits qui ont bousculé vos vies mais au fond nous sommes efficaces quand nous faisons quoi ? Et je crois que c’est la vocation profonde de notre diplomatie : lorsque tout le clavier de l’État français travaille ensemble dans une même fin. C’est des tas de suje ts organisationnels, il ne m’appartient pas d’y entrer. Je sais bien qu’il y a eu beaucoup de sujets pour savoir si les services économiques devaient être dans le Quai d’Orsay, en dehors du Quai d’Orsay, la diplomatie climatique ceci ou cela. J’ai conscience des implications organisationnelles, parfois budgétaires que cela importe. Mais je pense que ce qui est clé c’est que nous devons être efficaces. Et donc si on veut être efficace on doit partout avoir une France qui parle d’une seule voix et qui sait être à l’excellence sur chacun de ces sujets, et donc on doit s’en donner les moyens et jouer collectif. Et comme je le disais tout à l’heure, il nous faut avoir des assembliers qui portent la stratégie et qui soient accompagnés de bons spécialistes qui peuvent être efficaces. Si l’assemblier ne comprend pas le dossier il est inutile ; si le spécialiste n’a pas la stratégie d’ensemble il peut être dangereux. Comme nous avons tous envie d’avoir une stratégie cohérente, plutôt efficace je pense que cette amélioration organisationnelle est indispensable si nous voulons peser sur l’agenda numérique, sur l’agenda cyber, sur l’agenda spatial, sur l’agenda des grands standards technologiques et industriels qui est aussi au coeur de la diplomatie de demain. Et donc là-dessus je souhaite qu’on puisse véritablement aussi innover. Je pense que quand je regarde comment beaucoup d’autres font, nous devons avoir des organisations qui dans le temps nous permettent de bien comprendre les peuples, les pays, les transitions régionales. Mais il faut sans doute avoir une vraie mobilité organisationnelle pour que lorsqu’il y a des priorités, il y ait des équipes-projets qui soient constituées et qui puissent mettre toute leur énergie sur le projet qui arrive et qui parfois nous conduit à revisiter des priorités. N’ayons pas une armée faite pour une guerre de tranchées quand la guerre actuelle est une guerre de mouvement.
Cela nous impose aussi de revisiter parfois nos automatismes. Et cela ne vaut pas d’ailleurs que pour la diplomatie. Cela vaut pour tout l’État. Je suis frappé comme vous de voir combien sur le plan de nos organisations ce qui est parfois une réalité budgétaire l’est pour nous, 95 %, ce sont des services votés. 95 % souvent des priorités. Ce sont les vies au quotidien. Et donc, les nouvelles priorités, c’est 5 % du temps alloué. Cela ne peut pas marcher. Donc il faut qu’on soit plus mobiles. Voilà Mesdames et messieurs. J’ai conscience d’avoir été long. Pour autant, je n’ai pas été exhaustif mais je voulais au-delà du G7 de ces derniers jours qui fut une formidable démonstration d’excellence de notre diplomatie, partager ces quelques convictions et vous donner ces quelques présentations. Nous avons, mesdames et messieurs, une diplomatie forte et cohérente. Et je le dis parce que ça ne doit jamais être oublié.
Comparons-nous et nous l’avons montré à chaque fois qu’il fallait mobiliser. Nous pouvons en être fiers et je veux ici le réaffirmer. Nous l’avons aussi parce que nous avons une armée forte, un État fort et je pense que c’est indispensable du coup de toujours continuer à réfléchir sur nous-mêmes. Mais je souhaite que cette diplomatie forte soit au service de la finalité stratégique que je viens d’évoquer. Celle dans un monde en basculement profond, de retrouver au fond le contrôle de notre destin. De redonner à notre peuple une part de maîtrise que nous lui devons et de réinsuffler ce projet de civilisation européenne que nous avons à porter, sur le plan politique, sur le plan stratégique, sur le plan culturel et sur le plan imaginaire. Notre diplomatie a un rôle essentiel à jouer en cette matière. Et ce nouvel humanisme auquel je crois, que nous avons à bâtir et qui doit être au coeur de la stratégie du gouvernement doit aussi être au coeur de notre diplomatie. Et donc, je compte sur vous pour cela chaque jour. Je serai exigeant autant que je suis reconnaissant. Et je serai en tout cas toujours à vos côtés pour que la France soit au coeur de ces grands sujets, pour que nos concitoyens soient représentés partout avec force pour que nos intérêts soient défendus et qu’au-delà de nos intérêts, pour que nos valeurs soient partout portées. Je vous remercie. Vive la République et vive la France !./.
(Source : site Internet de la présidence République)
Revoir l’allocution d’Edouard Philippe, Premier ministre (28.08.19)
EN DIRECT | Discours du Premier ministre @EPhilippePM à la Conférence des Ambassadeurs. #ConfAmbass https://t.co/DZHEirezxG
— Gouvernement (@gouvernementFR) August 28, 2019
Accédez au texte du discours d’Edouard Philippe, Premier ministre (28.08.19)
(Seul le prononcé fait foi)
Monsieur le Ministre,
Madame la Secrétaire d’État,
Monsieur le Secrétaire d’État,
Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et les Ambassadeurs,
« Quandoque bonus dormitat Homerus ». J’aurais volontiers demandé à notre ambassadrice de France près le Saint-Siège de nous traduire cette locution que l’on doit à Horace et qui signifie quelque chose comme : « Il arrive parfois au bon Homère de s’endormir ». J’ai eu le sentiment que, l’année dernière, en raison de sujets austères sur la réforme des réseaux de l’État à l’étranger que j’avais fait le choix d’aborder, certains avaient pu suivre l’exemple de l’auteur de l’Iliade et l’Odyssée. Je vais faire de mon mieux pour ne pas recommencer. J’espère que vous aussi.
Il est de bon ton de dire que la France serait un pays irréformable. Je l’ai toujours entendu dire, et parfois théorisé en opposant le monde anglo-saxon, où la réforme serait possible, alimentée par un moteur électrique et silencieux branché sur du courant continu, et la France, où serait seule possible la révolution brutale mue par un moteur pétaradant et à explosion. Je n’y ai jamais cru.
Quand j’ai commencé à m’intéresser à la vie publique - en 1981, allez savoir pourquoi - le prix du pain était réglementé. On payait en francs. On faisait son service national. Et la décentralisation n’avait pas encore eu lieu.
Depuis, les choses ont considérablement changé. Et notre pays, malgré ce que l’on peut entendre, dire ou croire, s’est profondément transformé. Bien souvent, nous avons bénéficié des pleins effets de ces transformations des années, voire des décennies après leur mise en oeuvre. J’évoquais le service national, nous nous souvenons tous dans cette salle des débats qui ont présidé à cette décision. Elle pouvait être contestée. Elle peut d’ailleurs l’être encore à certains égards par certains. Mais elle nous a permis d’adapter progressivement notre outil militaire, et de lui donner une force et un professionnalisme qui participent à la fierté que nous avons de notre pays. Et ce qui est vrai au niveau national est vrai au niveau local : des villes ont profondément changé, sous l’effet de politiques publiques (Bordeaux, le Havre, Nantes ou Lyon).
Plus récemment, nous avons conduit des transformations, dont certaines très puissantes. Des transformations qui ont concerné des sujets difficiles. Complexes. Qu’on considérait à bien des égards, comme étant irréformables. Je pense au transport ferroviaire et à la réforme qui a conduit, notamment, à la disparition du statut de cheminot à la SNCF. À l’orientation dans l’enseignement supérieur. La création de Parcours Sup a très profondément transformé la façon dont notre jeunesse accès à l’enseignement supérieur. Et elle va très profondément transformer la façon dont on envisage le premier cycle de l’enseignement supérieur. Je pourrais y ajouter la réforme de l’assurance-chômage ou celle du baccalauréat. Donc, oui, la France se transforme. De manière très profonde. Dans la quasi-totalité des domaines de la vie économique et sociale. Et cela va continuer. Parce que notre ennemi, ce n’est pas le mouvement, mais le statu quo.
C’est le sens de l’acte II du quinquennat que j’ai présenté au Parlement au moins de juin dernier lors de ma déclaration de politique générale. Comme vous l’avez sans doute suivie en direct - en dépit pour certains d’un décalage horaire conséquent - je vous ferai grâce d’une seconde version. L’objectif de cet acte II consiste au fond, à poursuivre le mouvement de transformation de notre pays tout en modifiant la méthode. Il s’agit de faire en sorte qu’à la vitesse verticale et percutante du début du quinquennat, on substitue la puissance horizontale de la concertation. Ne vous y trompez pas, la méthode est différente, mais la pression appliquée est identique pour préparer l’avenir du pays et celui des Français.
Préparer l’avenir, c’est accélérer la transition écologique de notre économie et de la société. Nous le faisons avec des projets de lois qui permettent de mettre en place des mécanismes nouveaux. Ce sera le cas s’agissant de la lutte contre le gaspillage et de l’économie dans quelques semaines au Parlement. Nous le faisons avec des mécanismes d’investissement qui permettent de transformer la façon dont nous envisageons par exemple la rénovation énergétique des bâtiments. Nous le faisons par une action diplomatique dont vous connaissez tous les ressorts. Nous le faisons dans tous les domaines de l’action publique, pour préserver la biodiversité, pour accompagner la transformation de notre agriculture. Cela n’est jamais un exercice simple, mais nous avons la conviction que c’est un exercice indispensable.
Préparer l’avenir, c’est aussi mettre en place un système universel de retraites. Un système qui prévoit les mêmes règles pour tous dans un pays qui compte 42 régimes différents de retraites. Un système qui, progressivement et sans porter atteinte aux droits acquis, mettra fin aux régimes spéciaux. Et qui incitera à travailler plus longtemps pour tenir compte de l’évolution de l’espérance de vie. Nous allons prendre le temps de la concertation. Avec les organisations syndicales : je recevrai leurs représentants dès la semaine prochaine. Mais aussi avec les Français dans le cadre d’un débat ouvert où toutes les situations seront évoquées et étudiées.
Comme l’écrit non sans malice John Steinbeck au début du chapitre 25 d’un curieux roman qui s’intitule « Rue de la Sardine » : « Il est certes stupide de croire aux présages et aux signes. Personne n’y croit, mais nul ne les néglige ». Alors, ne négligeons pas quelques indicateurs ou quelques résultats. A fortiori quand ces résultats sont le fruit de transformations que vous avez conduites ou que vous animez.
Des résultats, nous en obtenons progressivement dans le domaine de l’emploi. De façon continue. Le chômage baisse et connaît son plus bas niveau depuis dix ans (8,5%, et même 8,2% en France métropolitaine). Les créations d’emploi sont au plus haut dans le secteur marchand et dans les PME.
Des résultats, nous en obtenons progressivement dans la gestion de la dépense publique. C’est, en 2018, un déficit public nettement inférieur et pour la deuxième année consécutive, à 3% du PIB. C’est une dette publique, que pour la première fois depuis dix ans, nous avons réussi à stabiliser. Ce sérieux budgétaire, c’est une dépense publique qui recule de 0,3% en volume en 2018 : c’est inédit et toutes les administrations ont contribué à ce résultat. Ce qui est également inédit, ce sont les baisses d’impôts ! Des baisses qui concernent l’IS, mais aussi l’impôt sur le revenu des personnes physiques et bien sûr la suppression de la taxe d’habitation, et qui atteindront d’ici à la fin du quinquennat, un total de 30 milliards d’euros.
Des résultats, notre pays en a obtenu dans le domaine de l’investissement étranger.
Pour la première fois depuis dix ans, la France est passée devant l’Allemagne. Elle talonne le Royaume-Uni. Notre pays demeure de loin la première terre d’accueil d’investissements industriels et de R&D en Europe. C’est un domaine dans lequel nous pouvons faire toujours mieux et sur lequel chacun d’entre nous peut se mobiliser. Vous savez l’impact qu’ont eu les réunions organisées à Versailles en 2018 puis en 2019. Nous allons continuer à organiser ces réunions, et je souhaite que vous puissiez de façon systématique expliquer aux acteurs économiques étrangers ce que nous faisons, les raisons pour lesquelles investir en France est une bonne idée.
Des résultats, nous en avons obtenu dans le domaine du commerce extérieur où vous avez accompagné la mise en oeuvre de guichets uniques dans nos régions et à l’étranger. Il serait sans doute un peu malhonnête d’y voir une relation de cause à effet avec le niveau historique qu’ont atteint nos exportations en 2018. En revanche, on peut voir dans ces bons chiffres, la conséquence d’un pays qui devient plus compétitif. Pour la première fois depuis longtemps, le commerce extérieur contribue de nouveau à la croissance du PIB.
Des résultats, nous en avons également obtenus dans le domaine du tourisme. Les chiffres de 2018 ont été exceptionnels. Ceux de 2019 - qu’il faudra consolider - devraient également être satisfaisants. Et je ne parle pas uniquement du nombre de touristes, mais aussi de l’investissement touristique ou de la dépense moyenne par touriste étranger. Et grâce à l’adossement du réseau Atout France sur celui de Business France qui nous rapprochera encore des marchés émetteurs, nous devrions mettre toutes les chances de notre côté pour que cela continue.
Permettez-moi également de dire un mot de l’accueil des étudiants étrangers. Nous avons conduit une très belle réforme. Difficile, mais ô combien nécessaire. Avec comme objectif d’attirer, dans un contexte très concurrentiel, plus d’étudiants étrangers.
Mais que ce développement ne se fasse pas grâce à une compétitivité prix, mais parce que nous proposons des filières d’excellence, et que nous sommes capables de sélectionner les meilleurs lorsqu’ils ne sont pas en mesure de venir en France. C’est donc un changement d’approche, dont je sais qu’il a causé beaucoup d’émoi dans les universités, dans les postes diplomatiques. Notre objectif est de rendre notre système d’enseignement supérieur très attractif. Je voudrais dire qu’alors même que les droits ont été augmentés en 2019 - une augmentation qui, soit dit en passant, nous conduit à des niveaux qui demeurent très inférieurs à ce que proposent les autres pays européens en matière d’accueil des étudiants étrangers, et très en deçà du coût réel de la formation - il n’y a pas de diminution du nombre d’étudiants étrangers en France. Si l’on croit les derniers chiffres de dossiers pré-consulaires, leur nombre serait même en hausse de 2,4%. Cela veut dire que nous devons nous in scrire dans cette démarche, qui va transformer la façon d’accueillir les étudiants étrangers. On note également des tendances intéressantes comme une hausse de 20% des étudiants d’origine indienne.
Tous ces résultats sont d’autant plus remarquables, que vous les avez obtenus en conduisant la mise en oeuvre de la réforme CAP 22. Avec ce que cette transformation a pu impliquer d’interrogations, voire d’inquiétudes. Un an après, l’essentiel du travail a été fait et bien fait, ce dont je veux vous remercier.
Nous avons désormais un schéma qui se précise, qui se clarifie avec, d’un côté, un Quai d’Orsay qui réfléchit à la meilleure répartition des réseaux de l’État à l’étranger, pays par pays et secteur par secteur, qui réfléchit, mais qui est aussi le garant de cette bonne répartition, et de l’autre, un ambassadeur qui a la main sur l’ensemble des ressources support de son ambassade, et qui peut proposer les évolutions nécessaires dans ses équipes en fonction des priorités politiques qui lui sont fixées.
Vous connaissez peut-être ce conseil que Choiseul aurait donné à Talleyrand, selon Chateaubriand qui le rapporte dans ses Mémoires d’Outre-Tombe : « Il ne faut pas s’enterrer sous les papiers, il faut seulement trouver des hommes qui les débrouillent. Alors, la journée a plus de vingt-quatre heures ». Les hommes - et les femmes - qui débrouillent les papiers, nous les avons. C’est vous. Mais la meilleure manière de ne pas s’enterrer sous les papiers, c’est encore d’en limiter la prolifération. En supprimant les redondances et le travail en silo. Jean-Yves Le Drian me dira si ses journées ont enfin plus que vingt-quatre heures.
Voilà, en quelques mots, ce que nous mettons en oeuvre pour accroître et déployer l’influence de la France dans le monde. Je pourrais y ajouter le lancement, à l’occasion de cette conférence des ambassadeurs, de la nouvelle architecture de la « marque France » à l’étranger, qui s’appliquera à tous les réseaux de l’État et à leurs opérateurs en-dehors des frontières. Vous en serez les garants localement.
Mais ce sur quoi je voudrais insister, c’est sur cette cohérence qui existe entre transformation intérieure et transformation extérieure, entre ce que nous faisons ici pour réparer le pays, pour le rendre plus attractif, plus compétitif, et la transformation de notre réseau à l’étranger.
Parce que la puissance d’un pays ne dépend pas uniquement de son personnel diplomatique ou de ses forces armées. Aussi professionnels et talentueux soient-ils. Elle dépend aussi et même surtout, de ces millions de Français qui créent, qui innovent, qui produisent, se forment, enseignent, administrent ou qui s’installent à l’étranger.
Il est de bon ton également de deviser sur le degré de puissance de la France dans la monde. Le président de la République a indiqué hier que son objectif était de permettre à la France de demeurer une puissance d’équilibre. Nous devons savoir si la France a les moyens techniques, diplomatiques, militaires, économiques et humains de défendre ses intérêts, ses valeurs et sa vision du monde. Le président de la République à l’occasion du G7 a rappelé à ceux qui pouvaient en douter que nous étions cette puissance d’équilibre. Nous devons continuer à oeuvrer en ce sens.
Elle continuera de le faire en Europe. Nous venons de connaître des élections européennes. Je ne reviens pas sur leurs résultats ni sur le débat que, pour ma part, j’ai trouvé utile. Il est en effet toujours utile de clarifier les choses quand les forces politiques se recomposent, voire se décomposent. Et si j’en crois le taux de participation des électeurs français, je n’ai pas été le seul à le trouver utile. Durant ce débat, le président de la République a eu l’occasion de développer sa vision d’une « Europe renaissante ». Et c’est cette vision que nous allons faire vivre avec le nouveau Parlement européen et la nouvelle Commission. Les sujets ne manquent pas. J’en retiendrai pour ma part, deux principaux, du moins pour les quelques mois qui viennent.
Le premier, c’est évidemment le Brexit. Il y a un an, nous avions une probabilité raisonnable d’organiser une sortie ordonnée du Royaume-Uni. Cette probabilité est désormais nettement plus faible. La responsabilité du gouvernement est de préparer le pays à faire face à toutes les éventualités, notamment les plus difficiles. Dès le mois d’avril 2018, le gouvernement, les administrations ont travaillé à la mise en oeuvre d’un plan national de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sans accord. J’en ai moi-même lancé officiellement la mise en oeuvre le 17 janvier 2019. Comme vous le savez, une loi promulguée le 19 janvier 2019, a autorisé le gouvernement à légiférer par ordonnances dans un certain nombre de domaines prioritaires. Nous disposons, à l’heure actuelle, d’un cadre juridique complet qui comprend 7 ordonnances, 8 décrets et plusieurs arrêtés, pour faire face à une sortie sans accord. Nous avons également recruté des fonctionnaires supplémentaire s pour assurer les contrôles à la frontière, en particulier plusieurs centaines de douaniers et de vétérinaires. Dans une quinzaine de jours, vers la mi-septembre, je présiderai une réunion avec tous les ministères concernés pour maintenir un niveau maximal de mobilisation. Je sais que vous suivez tous avec beaucoup d’attention et parfois avec un peu de surprise, l’évolution de ce dossier et les décisions prises par nos amis britanniques, mais nous devons être prêts et défendre nos intérêts.
La seconde grande priorité, c’est la refonte de Schengen. L’Europe est un espace pleinement souverain qui détermine et qui contrôle qui entre ou non sur son territoire. Et c’est la raison pour laquelle nous devons certainement « remettre Schengen sur ses deux jambes » : la liberté intérieure d’un côté, qui est un acquis précieux ; le contrôle extérieur de l’autre. L’un ne peut s’envisager sans l’autre.
Comme l’a dit le président de la République, la France, avec bon nombre de ses partenaires, fera des propositions en ce sens. Nous devrons aussi traiter le sujet dans toutes ses dimensions, en travaillant de manière encore plus étroite avec les pays d’origine et de transit sur les questions de réadmission, de conditionnalité de notre assistance ou d’accès aux visas. Plus nous serons précis, rigoureux et fermes sur ces questions, plus nous créerons, dans nos démocraties, les conditions d’un débat apaisé.
Nous devrons enfin accentuer tout ce que nous avons mis en oeuvre en France. Nous sommes ainsi parvenus à créer une sorte de continuum de l’action de l’État dans ce domaine, qui s’étend des préfectures aux ambassades. Nous avons désormais les moyens d’effectuer un suivi précis des filières d’immigration irrégulière. Je l’ai dit lors de ma déclaration de politique générale au mois de juin dernier : nous devrons affronter sans excès, mais sans fausse pudeur, certaines réalités relatives à la pression migratoire. Pour nous assurer par exemple, que les demandeurs d’asile choisissent la France pour ses valeurs, sa langue, sa culture et non parce que son système serait plus favorable que celui des autres pays européens. Pour préserver aussi ce trésor national qu’est le droit d’asile. Dès le mois de septembre, le Parlement aura l’occasion pour la première fois de débattre de ces questions. Et le gouvernement en tirera les conséquences qui s’imposent.
Au fond, l’enjeu pour l’Europe est de reconstruire sa souveraineté. De reprendre ce « contrôle » dont parlait hier le président de la République. Dans un monde où prévaut désormais le rapport de force. Le danger, c’est que l’Europe sorte par la petite porte de l’Histoire. Et qu’elle devienne le terrain de jeu des autres puissances. Cela implique de se doter des moyens de résister à la pression, notamment à l’extraterritorialité des lois américaines. Cela implique aussi, comme le veut le président de la République, de reconstruire la relation avec la Russie malgré les difficultés. Je m’y suis moi-même employé en recevant Dimitri Medvedev au Havre le mois dernier.
La France défendra donc ses valeurs en Europe. Elle les défendra également dans le monde. Non pour « refaire le monde » mais plutôt pour éviter à ce monde de se « défaire » pour reprendre une formule célèbre d’Albert Camus.
Parce qu’il n’aura échappé à personne que ce monde, le nôtre, se défait au sens propre du terme. « Physiquement », « biologiquement », dans tous les pays dans lesquels vous résidez. Y compris bien sûr en France. Comme beaucoup, j’ai mis du temps à considérer que ces enjeux étaient aussi urgents que la défense de l’emploi ou de la sécurité. Et comme beaucoup, je les considère désormais comme étant déterminants pour l’emploi, la compétitivité de nos entreprises, notre santé et in fine, pour notre sécurité. Je ne reviens pas sur les annonces que j’ai développées. Je voudrais seulement insister sur le total alignement de planètes entre ce que nous faisons en France, ce que nous voulons faire en Europe et ce que nous défendrons au niveau international. Et montrer en quoi lier ces trois dimensions est la seule manière pour nous, d’avoir une diplomatie écologique efficace. Le président de la République a rappelé hier la densité de l’agenda diplomatique sur ces sujets.
Notre monde menace de se défaire aussi de l’intérieur sous l’effet du creusement des inégalités. Sous l’effet aussi de l’absence de perspectives, y compris dans nos pays industrialisés. Je ne reviens pas ici sur la crise que nous avons connue en France et qui, à bien des égards, n’est pas terminée. On ne m’ôtera pas de l’idée que le désarroi qui s’exprime en France s’est aussi exprimé ailleurs, sous d’autres formes. Je crois que la conjonction terrible entre la baisse de pouvoir d’achat des classes moyennes pendant dix ans, l’absence de perspectives pour soi-même, pour ses enfants, le sentiment d’éloignement vis-à-vis de la prise de décision n’est plus une préoccupation uniquement nationale, mais bel et bien un sujet international. Et que d’une certaine manière, la réduction des inégalités devient peu à peu un objet d’ordre public mondial. C’est la raison pour laquelle le président de la République a voulu en faire un des thèmes centraux du G7 de Biarritz.
Enfin, notre monde - celui de la norme, du respect de la dignité humaine, de la vie privée, celui de la juste contribution - se défait aussi à mesure qu’il se dématérialise. Sur ce sujet aussi, l’opinion publique change ; demande plus de contrôle, de normes, de régulation, de responsabilité. Et le discours volontariste, responsable, que tient la France depuis maintenant un certain temps, fait son chemin. D’autant que ce discours, ouvert sur l’innovation mais ferme sur les principes, s’accompagne d’initiatives. La France accueillera ainsi à l’OCDE, l’équivalent du GIEC pour l’intelligence artificielle ; comme elle a hébergé le sommet TECH4GOOD. Elle a également lancé, avec la première ministre néozélandaise Jacinda Ardern, l’appel de Christchurch pour lutter contre la diffusion en ligne de contenus terroristes et extrémistes. Des initiatives qui naissent ou se prolongent chez nous, en France et que nous défendons en Europe. On ne peut pas « être réel » quand il s’agit de gagn er de l’argent et virtuel dès qu’il faut respecter l’État de droit. Il y a là comme un bug.
« Savoir-faire et conscience » ! Parfois, tout est dans le titre. En particulier dans celui-ci qui est le titre de la retranscription d’un entretien de 1963 entre Steven Marcus, un critique littéraire américain, et Norman Mailer. Pour être honnête, cet entretien, qui figure dans un recueil au titre également évocateur de « Morceaux de bravoure », n’a pas grand-chose à voir avec les relations internationales. Il traite de l’importance du style en littérature. Mais, après tout, il n’y a pas que dans la littérature que le style a son importance. Dans la diplomatie aussi. Ces derniers jours nous ont d’ailleurs donné des illustrations éloquentes de différences de styles.
Quoi qu’il en soit, ce titre de « savoir-faire et conscience » m’a semblé assez bien résumer votre feuille de route. Une feuille de route qui consiste à mettre votre immense savoir-faire, celui de la diplomatie française, au service de nos valeurs. Et d’une forme de conscience. Qu’il s’agisse de faire appel à la conscience de décideurs, étatiques ou non. Ou de relayer des consciences individuelles et collectives qui s’expriment. Je pense à celles des jeunes générations. Et comme le dit très bien Mailer à la fin de cet entretien, « dans le meilleur des cas, vous touchez la conscience de votre époque et ainsi, indirectement, vous affectez le cours de l’Histoire, de celle qui vient juste après vous ». J’ai le sentiment que ceux qui viennent juste après nous, comptent plus que jamais sur nous et sur vous.
Je vous remercie./.
(Source : site Internet du Premier ministre)
Revoir l’allocution de Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (29.08.19)
EN DIRECT : @JY_LeDrian s'adresse aux ambassadeurs et ambassadrices lors de la #ConfAmbass https://t.co/xE7ZyWZAGx
— France Diplomatie🇫🇷 (@francediplo) August 29, 2019
Accédez au texte du discours de Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères (29.08.19)
Madame la Secrétaire d’État, chère Amélie,
Monsieur le Secrétaire d’État, cher Jean-Baptiste,
Madame et Messieurs les Présidents des commissions parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Secrétaire général, cher François Delattre, c’est une première pour vous, ici dans ces conditions, vous y étiez déjà un habitué historique,
Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
On dit souvent - et je l’ai parfois dit moi-même - que nous vivons une période caractérisée par l’incertitude et l’imprévisibilité. J’en suis toutefois venu à penser que, sur une chose au moins, nous savons à quoi nous en tenir : les desseins de nos partenaires, de nos adversaires, de nos alliés, de nos compétiteurs. Il suffit de prêter attention à ce qu’ils disent et d’observer ce qu’ils font. Il suffit de regarder le monde tel qu’il est pour entrevoir le monde qui se prépare, pour en deviner les lignes de failles, en saisir les opportunités et les menaces.
Cet effort de lucidité est aujourd’hui indispensable. Dans les relations internationales, les habitudes, les certitudes, les évidences se révèlent souvent être de bien mauvaises conseillères. Et comme tout discours qui se respecte doit faire l’état de citations, je ne vais pas m’en priver moi non plus ; il y en a qui en font plus que d’autres, mais moi, j’ai moins de lectures. Je voudrais vous citer Thomas Schelling qui écrivait, dans la préface d’un livre majeur sur Pearl Harbour, en 1962, à propos des évidences qui se révèlent bien souvent mauvaises conseillères, c’était après Pearl Harbour évidemment : « Nous avons tendance, dans nos plans, à tenir pour improbable ce qui n’est pas familier. L’éventualité que nous n’avons pas considérée sérieusement apparaît étrange ; ce qui apparaîtrait étrange est pensé comme improbable ; et ce qui est improbable n’a pas besoin d’être regardé sérieusement ».
Regarder le monde en face, le « regarder sérieusement », non pas seulement pour l’interpréter mais pour tenter de le transformer, regarder le monde sérieusement, c’est le voir bouleversé par trois grandes tendances, qui mettent en péril nos intérêts et nos valeurs.
Les grandes puissances semblent résolues à faire de l’Europe leur terrain de jeu.
Le système multilatéral, nous le savons bien, est aujourd’hui la cible d’attaques sans précédents.
Quant à la grande compétition mondiale dans laquelle nous sommes plongés, elle prend désormais des formes inédites et se joue sur des terrains nouveaux.
Consolider l’unité de l’Europe et déclencher son réveil stratégique, défendre le multilatéralisme pour prévenir les dérives d’une compétition sans règle et inventer des solutions collectives aux grands défis d’aujourd’hui, montrer que les démocraties sont de taille à livrer les batailles nouvelles de l’influence, voilà donc les trois tâches immenses qui vous incombent et qui nous incombent.
Cette tâche exige de nous que nous sachions, à chaque fois qu’il le faut, jouer du rapport de forces, sans jamais transiger sur nos principes : le respect du droit international, la promotion des droits de l’Homme, le choix du dialogue, de la coopération, de la solidarité. Car tourner le dos à ces principes, nous laisser emporter par la vague de cynisme et d’égoïsme qui déferle, ce serait renoncer à ce que nous sommes, renoncer à porter la voix de la France dans le monde, et finalement perdre notre âme.
Cette exigence, ce défi résument - je crois - assez bien le sens de la diplomatie que, sous l’autorité du président de la République, nous avons à mener ensemble. Je voudrais, sur chacun de ces trois enjeux auxquels nous devrons faire face, vous rappeler nos priorités et la méthode que nous devons suivre, avant de vous dire un mot de notre ministère et des chantiers de transformation interne sur lesquels je souhaiterais avancer.
Je commencerai par l’Europe, car je suis convaincu que c’est en tant qu’Européens que nous devons regarder le monde sérieusement et que c’est avec nos partenaires européens que nous devons y agir.
C’est au nom de cette conviction que je me bats ici chaque jour pour l’Europe, avec le soutien d’Amélie de Montchalin.
Le 11 novembre de l’année dernière, nous avons célébré avec la solennité qui s’imposait la fin de la Première guerre mondiale en Europe occidentale. Une guerre qui s’est d’ailleurs, encore faut-il le rappeler, poursuivie à l’Est de l’Europe bien après la signature de l’armistice de Rethondes.
Cette année, d’autres anniversaires, sinistres ou exaltants, nous rappellent le long chemin que notre continent dut encore parcourir pour arracher aux tragédies de l’Histoire la force de se réunifier et de devenir enfin lui-même. Ces anniversaires doivent aussi nous rappeler le prix, et en même temps la fragilité, de ce que nous avons su bâtir et que nous devons sans relâche travailler à protéger.
Permettez-moi de rappeler des dates, brièvement. Le 23 août 1939, il y a 80 ans, le pacte conclu au nom de l’Allemagne nazie et de l’URSS par Ribbentrop et Molotov partageait un pan entier de notre continent entre deux puissances. Cinquante ans plus tard, jour pour jour - et cela ne devait bien sûr rien au hasard -, le 23 août 1989, nous sommes en août 2019, près de deux millions de personnes formaient une immense chaine humaine à travers les pays baltes pour dire leur aspiration à l’indépendance. En ce même été 1989, se levait en Pologne et en Hongrie le vent de liberté qui devait, en novembre, faire tomber le Mur de Berlin. Un an après, au lendemain de la réunification allemande, la signature de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe ouvrait la voie à l’édification d’une nouvelle architecture de sécurité, y compris avec la Russie - j’y reviendrai. C’était il y a trente ans.
Ces moments charnières du XXe siècle nous permettent de mesurer la valeur d’une Europe réunifiée, démocratique et libre. Les mots sont parfois trompeurs. Ce qu’on a appelé la réunification de l’Allemagne, ce qu’on a ensuite appelé l’élargissement de l’Europe, c’est en fait une seule et même chose : la réunification de l’Europe avec elle-même, avec sa géographie et avec son histoire.
Cette Europe enfin unie, qu’on aurait tort de prendre pour un refuge d’où l’on puisse contempler le monde sans en subir les soubresauts, cette Europe enfin unie qui en vérité n’a de sens que dans l’action et le mouvement, elle n’a jamais été aussi nécessaire, et jamais, peut-être, aussi frontalement remise en question.
Et parce qu’on ne peut pas bien construire aujourd’hui sans connaître notre histoire, toute notre histoire, je souhaite que nous réfléchissions ensemble dans l’année qui vient à ce bouleversement de 1989/1990, à ce que ce bouleversement nous a dit, à ce qu’il nous a dit de qui nous sommes. C’est pourquoi je souhaite, Monsieur le Secrétaire général, qu’avec le directeur politique, le directeur des archives et le CAPS, vous puissiez nous faire des propositions en ce sens pour l’automne et pour 2020, afin que nous retrouvions à la fois l’esprit et le sens d’Helsinki, l’esprit et le sens de 1989, et l’esprit et le sens de la Charte de Paris.
En mai dernier, des élections déterminantes pour l’avenir de notre Union se sont tenues. Nous avons évité le pire. Même si les forces anti-européennes sont loin d’avoir désarmé, l’Europe a tenu bon. La vague populiste annoncée n’a pas eu lieu. Les partis pro-européens se sont mobilisés et ont globalement bien résisté. La hausse de la participation a même montré que nos concitoyens ont pris la mesure des enjeux.
À la faveur de la recomposition des institutions européennes, la France va pouvoir augmenter son influence en Europe. Un nouvel agenda stratégique proche de nos vues a été défini. Il fixe le cap sur tous les sujets fondamentaux : la protection du climat, l’Europe sociale, la politique de concurrence, la politique industrielle, la gestion des frontières, la projection de l’Europe dans le monde. Il y a là une opportunité pour relever, avec nos partenaires, les défis de l’Europe.
Ces défis - vous avez entendu le président de la République mardi - se résument à une ambition, une ambition que nous devons porter dans le temps long mais qui doit dès à présent mobiliser notre énergie : bâtir une véritable souveraineté européenne qui nous permette, en cette période troublée, de défendre ce qui fait la singularité de notre continent, cet humanisme européen, fondé sur une manière unique de penser le monde, sur un attachement aux libertés fondamentales, sur un rapport si particulier à la culture et à la pensée. Un humanisme qui - je le crois profondément - nous donne aujourd’hui de précieux repères pour faire face aux bouleversements technologiques et aux menaces qui pèsent sur notre environnement.
Cette souveraineté européenne, portée par le président de la République, qui contribue à ce que notre propre nation renforce en même temps la pleine maîtrise de son destin tout en restant ouverte. Cette souveraineté européenne doit prendre plusieurs visages, c’est d’abord une réponse commune au défi des migrations.
Nous ne sommes plus, comme en 2015 et en 2016, au pic de la crise. La baisse des flux en atteste.
Mais le sujet est loin d’être derrière nous et les drames humains continuent. Des gens meurent encore en tentant de gagner l’Europe : les navires des ONG toujours présents en Méditerranée sont là pour nous le rappeler. Et c’est une question qui continue à peser lourd dans le débat européen.
Car la défense de nos valeurs et de nos principes, qui nous font un devoir d’accueillir les personnes en besoin de protection et qui demandent l’asile, est au coeur de notre action et doit le rester. Mais cela suppose, parallèlement, de lutter sans faiblesse contre l’immigration illégale, les passeurs, les marchands de sommeil et tous ceux qui exploitent la misère humaine.
Il n’y aura de réponse vraiment européenne et, pour tout dire, de vraie réponse à ce défi que si nous parvenons à nous accorder avec nos partenaires sur une politique fondée sur le respect de l’équilibre entre responsabilité et solidarité. Nous devons mettre en place un mécanisme de sauvetage en mer et de débarquement efficace, harmoniser, enfin, notre politique d’asile et garantir dans la dignité le retour et la réadmission de ceux qui n’y sont pas éligibles. Et cela, nous ne pouvons le faire qu’ensemble. Et nous devons y arriver au nom même de ce bien si précieux qu’est l’espace Schengen, qui, à défaut, sera alors menacé dans son existence-même par ceux qui, si prompts à jouer les Cassandre, ne cherchent qu’à détricoter l’Europe.
Relever les défis des migrations, cela suppose aussi de continuer avec les pays du Sud un dialogue ferme, exigeant, mais dans le respect de l’esprit de coopération qui préside à nos relations. Nous devons pour ce faire mieux articuler notre aide au développement, qui est en train d’augmenter - j’y reviendrai - de manière substantielle, avec les enjeux migratoires.
Le deuxième défi de la construction d’une souveraineté européenne, qui doit nous mobiliser, c’est l’Europe de la défense. Le président de la République en a parlé longuement mardi. Elle repose sur trois piliers :
les nouveaux instruments dont l’Union européenne s’est dotée, je pense en particulier au fonds européen de défense et à la coopération structurée permanente pour l’ambition desquels la France a tant oeuvré ;
nos diverses coopérations de défense en Europe, je pense en particulier à l’initiative européenne d’intervention, dont les pays ont défilé pour la première fois sur les Champs Élysées ce 14 juillet ;
l’article 5 et l’engagement de sécurité collective dans l’OTAN, où les Européens doivent peser davantage et assumer davantage leurs responsabilités pour poursuivre le renforcement équilibré de la posture de dissuasion et défense alliée. Nous y prenons toute notre place. Car pour nous, le « partage du fardeau », ce n’est pas une prime d’assurance que le citoyen paye dans une logique exclusivement mercantiliste, mais c’est un engagement collectif de solidarité.
Nous ne devons pas tenir cette nouvelle Europe de la défense pour un acquis et nous ne devons pas relâcher nos efforts. La France doit rester motrice. Nous devons nous fixer à cet égard, des objectifs concrets sur le court terme : la mise en oeuvre du fonds européen de défense d’ici la fin de l’année, un cadre financier pluriannuel qui reflète nos niveaux d’ambition, la réussite de projets capacitaires et opérationnels, qui devront servir, à la fois, à combler nos lacunes et à développer les équipements du futur, la poursuite de nos efforts pour mieux rendre mobilisable l’article 42.7 du Traité incarnant la solidarité européenne dont nous avons bénéficié après les attentats en 2015.
Nous devons aussi, entre Européens, avancer sur des initiatives concrètes telles que la sécurité maritime dans le Golfe - initiative à laquelle la France est disposée à prendre part entre Européens - ou les opérations que nous menons conjointement au Sahel, dans l’esprit de l’Initiative européenne d’intervention.
S’agissant de notre troisième défi - celui de la souveraineté économique et technologique européenne - il faut rendre justice à l’Europe : elle est en train, un peu, de sortir de l’innocence et de la naïveté. Des premiers jalons fondamentaux ont été posés. Je pense notamment au mécanisme de protection de nos investissements stratégiques, c’est désormais une réalité. Mais il faut maintenant aller beaucoup plus loin et faire preuve d’audace, comme nous y a invités le président de la République.
L’Europe doit bien sûr continuer à montrer au monde entier qu’elle est une grande puissance normative. D’abord parce que, pour nous Européens, le droit reste l’instrument principal de régulation de l’ordre du monde, mais aussi parce que les normes dont nous nous dotons nous-mêmes, pour nous-mêmes, sur le territoire de l’Union européenne peuvent aussi faire école pour le reste du monde. C’est ce qui est en train de se passer avec le RGPD, qui commence à être repris par d’autres pays sur la planète.
Mais être une puissance normative ne suffit pas. Il faut aussi que l’Europe s’affirme au plan industriel et technologique. Ma conviction est claire : sans la norme, la technologie est aveugle, et sans la technologie, la norme est impuissante. L’Europe doit donc aussi se décider à accomplir un saut technologique et industriel massif. Cela vaut pour le numérique, cela pour la 5G, pour l’Intelligence artificielle, pour le spatial, pour toutes les grandes technologies d’avenir. À défaut, l’Europe sera condamnée à n’être qu’un marché de consommateurs de services et de produits fabriqués ailleurs. Dans ces conditions, elle continuera sans doute à être un endroit où il fera bon vivre,- mais, pour combien de temps encore ? - Mais bientôt d’ailleurs, dans ces conditions, elle perdrait toute capacité à dire qui elle est et à écrire sa propre histoire.
Et pour ne pas rester captive de la technologie des autres, il faut que l’Europe soit une force productive disposant d’une capacité d’offre industrielle propre. C’est l’une des clefs de notre souveraineté.
Mais notre souveraineté passe aussi par l’affirmation d’une Europe qui exige la réciprocité, d’une Europe qui se protège de toutes les formes de dumping, d’une Europe qui assure des conditions de concurrence loyale, d’une Europe qui préserve les règles du multilatéralisme commercial et se donne les moyens de répondre à l’unilatéralisme et à l’extraterritorialité. Car, comme les débats que nous avons eus hier et avant-hier l’ont mis en lumière, certaines mesures extraterritoriales prises par des pays étrangers sont manifestement contraires au droit international et appellent une stratégie adaptée pour garantir la souveraineté européenne et pour protéger nos compatriotes et nos entreprises.
J’évoquais l’importance de l’unité européenne : de ce point de vue, le Brexit - qui est aussi l’un des grands défis auxquels l’Europe doit faire face aujourd’hui - est bien sûr une déception, un regret amer.
Nous l’avons souvent dit : nous n’avons jamais souhaité le retrait britannique de l’Union européenne et nous déplorons profondément cette décision. Mais il s’agit d’une décision souveraine du peuple britannique et nous devons donc la respecter.
Aujourd’hui, nous agissons pour défendre nos intérêts et l’autonomie de décision de l’Union Européenne. Nous ne cherchons pas à accuser ou à punir nos amis britanniques - ce serait une idée saugrenue ! - Nous cherchons simplement à protéger l’intégrité de l’Union.
Cela n’enlève rien à notre attachement historique au Royaume-Uni et, bien sûr, à notre volonté de préserver l’avenir d’une relation bilatérale. Nous espérons que les Britanniques seront au rendez-vous, car il est essentiel que nous puissions préparer ensemble les dix ans des accords de Lancaster House et conserver notre capacité à travailler conjointement, de façon pragmatique, sur la sécurité de l’Europe. Après le 31 octobre, tout restera à faire. Notre intérêt collectif, de part et d’autre de la Manche, sera de ne pas oublier cette vérité factuelle, fondée sur notre géographie et notre histoire commune : nous restons tous des Européens. Et les îles britanniques resteront toujours au même endroit : en Europe.
Cette unité européenne est essentielle, car les crises pour lesquelles une réponse concertée des Européens est fondamentale ne manquent pas.
À commencer par la crise iranienne. L’unité du groupe E3, que nous formons avec les Britanniques et les Allemands, et au-delà l’unité des Européens, est essentielle ; essentielle pour préserver l’accord nucléaire de Vienne, pour réunir les conditions d’une désescalade dans le Golfe, pour assurer la sécurité maritime et la liberté de navigation dans le Golfe pour préparer les conditions d’une future négociation élargie avec l’Iran.
Notre force, , celle de la France, c’est notre capacité à parler à tous les acteurs de la région. C’est ce qui fait que nous avons un rôle central sur ce dossier, comme nous l’avons montré à Biarritz, en étant en agilité et en mouvement.
Notre action à l’égard de la crise iranienne illustre parfaitement la méthode du président de la République : être à l’initiative, proposer, rassembler autour de nous, construire des coalitions d’entraînement politique dans le cadre des Nations unies et de l’AIEA. Tout cela sans jamais oublier ce que sont nos intérêts : pas de prolifération nucléaire et balistique, la sécurité maritime, la stabilité dans la région et aucun soutien à des mouvements terroristes.
Au Sahel aussi, les Européens doivent poursuivre leurs efforts collectifs. Dans cette région, située dans notre voisinage, se déploie une menace importante pour notre sécurité : celle du terrorisme, qui se nourrit de la pauvreté, de la faiblesse des États et qui attise les conflits communautaires.
C’est pourquoi il était essentiel que nos partenaires européens nous y rejoignent, pour oeuvrer avec nous sur le terrain du développement, avec l’Alliance Sahel, mais aussi sur le terrain de la sécurité, avec le lancement, au sommet du G7 de Biarritz, avec la coopération très forte de l’Allemagne, d’un partenariat pour la stabilité et la sécurité du Sahel qui vise à élargir le périmètre des interventions de sécurité et à renforcer les soutiens internationaux.
Troisième enjeu que nous devons relever ensemble, comme Européens, ainsi que le président de la République nous l’a indiqué, et qui constitue aussi l’un des défis de notre souveraineté : la relation de l’Europe avec la Russie. Il y a là aussi une évidence géographique, - j’y faisais référence en commençant - évidence géographique, évidence historique, évidence culturelle, qu’on perd trop souvent de vue : la Russie est en Europe.
Le président de la République a détaillé dans son discours de mardi, et à plusieurs reprises au cours des derniers mois, les difficultés auxquelles nous étions confrontés dans cette relation avec la Russie : les attaques chimiques, les attaques cyber, l’intervention militaire en Syrie, l’annexion d’une partie de l’Ukraine, la violation des traités… Mais cette dérive-là est-elle dans notre intérêt et devons-nous nous y résoudre, comme une fatalité d’un pays qui s’éloigne de l’Europe ? Évidemment non ! Le dialogue, un dialogue lucide, exigeant, inscrit dans le long terme, tenace, mené dans le souci de protéger nos intérêts et ceux de nos alliés, ce dialogue doit se renforcer et viser au rapprochement progressif de la Russie avec les principes européens.
C’est la raison de notre action au Conseil de l’Europe, en tant que Présidence et en étroite coordination avec la Finlande, car les citoyens russes, comme citoyens de ce vaste ensemble qu’est l’Europe, ont aussi droit à la protection de leurs droits que leur confère la Cour européenne des droits de l’Homme.
C’est aussi le sens du Dialogue de Trianon, qui permet à nos sociétés de dialoguer et de se rapprocher. C’est le sens des liens économiques que nous maintenons avec la Russie, dans le respect des sanctions, dans le respect de nos intérêts. Mais pourquoi faudrait-il pousser la Russie toujours plus dans les bras de la Chine ?
Dans quelques jours, j’aurai l’occasion de me rendre à Moscou avec la ministre des armées Florence Parly pour commencer à évoquer ce qui pourrait redevenir une architecture de sécurité et de confiance. Il y faudra du temps. L’anniversaire en 2020, j’y faisais référence tout à l’heure, des trente ans de la Charte de Paris doit être un guide, car les dix principes d’Helsinki, réaffirmés alors, me semblent, si l’on veut bien prendre la peine de les relire, toujours adaptés à notre temps et à notre identité européenne.
Nous devrons aussi faire en sorte que la compétition militaire que se livrent les grandes puissances au-dessus de nos têtes, en Europe, demeure régulée par des instruments multilatéraux. En effet, la fin du traité FNI, le risque de voir le traité New Start connaître le même sort en 2021 peuvent nous ramener à une situation d’absence totale de régulation de la compétition nucléaire américano-russe, telle que nous n’en avons plus connue depuis les années 1960, alors que par ailleurs, la Chine revendique ouvertement l’augmentation quantitative et qualitative de son arsenal.
À cet égard, nous devons oeuvrer dans trois directions complémentaires.
Premièrement, il nous faut bien sûr assumer les moyens de notre défense et de la dissuasion, de façon robuste mais non escalatoire.
Il le faut, car la politique de l’autruche ou du passager clandestin ne peut conduire qu’à la sortie de l’Europe de l’histoire, ou pire, à sa transformation en terrain de jeu et d’affrontement. Pour l’éviter, il faut que nous soyons les acteurs de notre propre sécurité. Nous devons éviter, à cet égard, à la fois la naïveté, l’angélisme, et d’un autre côté, l’agressivité gratuite.
Deuxièmement, parce que cela ne suffit pas, parallèlement, nous devons conduire une réflexion entre Européens sur les conditions des équilibres militaires et stratégiques sur notre continent, à la fois dans le domaine conventionnel et dans le domaine nucléaire, dans une logique de réduction des risques stratégiques, de réduction de la défiance.
Enfin, nous devrons sur cette base promouvoir et construire cette nouvelle architecture de sécurité et de confiance qui est in fine notre intérêt bien compris. Nous allons nous atteler à cette tâche considérable dans les semaines à venir.
Face à tous ces défis - vous le voyez -, l’Europe c’est une méthode : ne pas se satisfaire des blocages, créer des coalitions ad hoc pour entraîner les institutions, être dans le mouvement et les propositions, refuser les divisions factices. Car soyons lucides : il y a du populisme à l’Ouest, comme il y a de la démocratie à l’Est. Partout, nous pouvons trouver des partenaires potentiels, que nous devons engager sujet par sujet. Nous devrons redoubler d’efforts en vue de la présidence française du Conseil de l’Union en 2022, que nous devons déjà commencer à préparer ensemble.
Dans les temps de compétition mondiale débridée que nous vivons actuellement, la lucidité et le pragmatisme nous commandent aussi, avec nos partenaires, d’inventer un nouveau multilatéralisme.
Par son histoire et son statut, la France doit être à l’initiative pour préserver ce qui est - disons-le clairement - le seul instrument capable de réguler la compétition internationale et d’enrayer ce que le président de la République a appelé mardi « l’ensauvagement » du monde, en citant le livre prémonitoire de Thérèse Delpech qui, en 2005, déjà nous mettait en garde contre « le retour de la barbarie au XXIe siècle ». La France doit être une puissance d’équilibre.
Derrière ceux qui prônent l’unilatéralisme, ceux qui défendent le révisionnisme, ceux encore qui, sous couvert de promotion du multilatéralisme, promeuvent en fait une mondialisation alternative fondée sur leurs seuls intérêts, derrière tout cela, ce qui se dessine, c’est un monde sans foi ni loi. Sans foi, parce qu’on ne croirait plus aux vertus de la coopération et que la parole donnée n’aurait plus de valeur. Sans loi, parce que les règles seraient contournées ou même sacrifiées sur l’autel du pur rapport de forces.
Le multilatéralisme, ce n’est pas un dogme, ce n’est pas une idéologie. C’est une méthode efficace, et c’est une méthode qui marche. Sans le multilatéralisme, pas d’Accord de Paris. Sans le multilatéralisme, pas de convention de l’UNESCO sur la protection de la diversité culturelle. Pas de fonds mondial pour sauver des vies humaines en luttant contre le sida, le paludisme et la tuberculose. Pas d’interdiction des armes chimiques. Je pourrais continuer la liste. À nous de nous concentrer sur ce que j’appellerais le multilatéralisme par la preuve.
Dire cela, ce n’est pas faire preuve d’angélisme. Le multilatéralisme, en effet, n’exclut pas le rapport de forces, il ne le supprime pas : il l’encadre, il lui donne des règles, un cadre de justice et de droit.
Oui, il y a urgence à réinventer le multilatéralisme.
Cela ne signifie pas que nous devions délaisser ses enceintes historiques : au contraire, nous devons les renforcer et chercher à y accroître notre influence, mais de façon méthodique. À cet égard, je voudrais faire une remarque qui est un peu interne : à vouloir tout avoir, parfois on perd partout. C’est pourquoi je souhaite mettre en place un pilotage stratégique pour définir et proposer au président de la République les combats que nous devons privilégier pour préserver le rôle de la France dans les grandes organisations multilatérales.
Mais ce que nous pouvons et devons inventer, c’est une nouvelle méthode, associant les États et les organisations internationales mais aussi les collectivités territoriales, les ONG, les entreprises privées.
C’est ce que le président de la République a souhaité faire lors du G7 en associant largement la société civile et en y conviant d’autres pays. Vous connaissez les résultats.
Cette méthode, nous l’avions déjà mise en oeuvre l’an dernier avec le Forum de Paris pour la Paix. La seconde édition cette année va encore vous mobiliser, nous mobiliser pour faire vivre dans la durée cette belle idée.
Et c’est pour défendre cette vision du monde et ces priorités que nous avons lancé cette année, avec Heiko Maas, le ministre allemand des affaires étrangères, une Alliance pour le multilatéralisme qui se réunira pour la première fois à New York à niveau ministériel fin septembre, autour d’une triple ambition : compenser, réformer, impulser. Compenser l’engagement insuffisant des États ; réformer et moderniser les institutions - car les Nations unies sont perfectibles et nous devons adapter nos outils multilatéraux aux défis contemporains ; et impulser des initiatives fortes, notamment là où la gouvernance est absente ou insuffisante.
L’Alliance compte un « noyau dur » autour de la France et de l’Allemagne qui sont à l’initiative, mais avec le Japon, le Canada, le Ghana, le Chili, d’autres, elle a vocation à porter des initiatives sur la base de coalitions modulaires, ouvertes aux partenaires non-étatiques. Cela fait des années, dans les faits, que nous avons appris à travailler avec les partenaires de bonne volonté, avec de véritables résultats. Avec l’Alliance, nous voulons affirmer que cette manière de travailler ensemble n’est pas seulement une méthode de travail mais aussi, évidemment, un choix éminemment politique : le choix de la coopération, de l’humanisme et du progrès.
Ce multilatéralisme réinventé, ce multilatéralisme de coalition réunissant toutes les puissances et les démocraties de bonne volonté est indispensable pour nous donner les moyens de répondre aux grandes problématiques d’aujourd’hui.
Nous devons d’abord agir pour préserver l’OMC, c’est-à-dire pour la réformer.
Vous le savez, cette organisation n’est pas outillée pour répondre aux distorsions de la concurrence mondiale actuelles, elle n’est plus qu’à quelques mois de la paralysie totale de son fonctionnement en raison de la non existence à ce moment-là de son organe d’appel. Vous savez, comme moi, que la guerre commerciale s’est installée dans un échange de mesures unilatérales qui s’étendent désormais au champ technologique et aussi au champ monétaire. Et sur ce point nous sommes confrontés à un triple défi.
D’abord, démontrer à nos concitoyens que notre politique commerciale est capable de répondre à l’ensemble de leurs aspirations, en termes d’équité et de prise en compte des enjeux de développement durable. Et les débats sur le CETA ont montré que cette question était essentielle. Si on ne le fait pas, le risque de repli sur soi, le risque de la fermeture des uns aux autres deviendra une réalité.
Le deuxième défi, à cet égard, c’est le fait que défendre nos intérêts face aux mesures unilatérales et aux pratiques commerciales déloyales est indispensable, qu’il s’agisse des droits de douane illégalement imposés, ou des protections et subventions accordées aux concurrents de nos entreprises. Ici encore, c’est avant tout l’unité européenne que nous devons assurer chaque jour sans négliger le fait que le rapport de forces fait aussi partie de notre arsenal.
Et puis, le troisième défi concernant la nécessaire réforme de l’OMC, c’est de moderniser le système commercial pour prendre en compte les enjeux du XXIème siècle, au premier rang desquels la lutte contre le changement climatique et toutes les formes de pratiques déloyales. C’est aussi sans doute le seul moyen de convaincre, à terme, les États-Unis et la Chine qu’une solution multilatérale aux différends commerciaux est dans l’intérêt de tous, ce qui leur permettrait de régler leurs tensions dans un système multilatéral rénové.
L’autre défi qui nécessite l’impulsion de nouveaux multilatéralismes concerne le climat et l’environnement. Nous avons des échéances proches : la réunion du sommet climat qui se tiendra le 23 septembre à New York à l’initiative du Secrétaire général des Nations unies. Nous avons d’autres échéances : la COP25, puis le congrès pour la nature que nous accueillerons à Marseille en 2020, avant la COP15 qui se tiendra en Chine. Nous devons nous mobiliser et l’ensemble du ministère doit considérer que ce sont des nécessités fortes, essentielles pour nous. En tout cas j’ai l’intention pour ma part de m’y impliquer personnellement. Je rajoute aussi que, au cours du G7 qui vient de s’achever vous avez montré, nous avons montré que ce ministère savait se mobiliser en urgence pour permettre au président de la République d’entraîner une vaste coalition des bonnes volontés internationales afin de soutenir nos partenaires dans le sauvetage de l’Amazonie.
Autre priorité du nouveau multilatéralisme, les biens communs que sont la santé et l’éducation.
La Conférence de reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme va se constituer à Lyon en octobre prochain. Ce sera un moment extrêmement important pour nous, comme le président de la République vous l’a dit mardi.
Quant à l’éducation, c’est un sujet qui est au coeur des enjeux de développement et la France a retrouvé à cet égard toute sa crédibilité, avec notamment, lors de la rencontre de Dakar, le réinvestissement majeur de 200 millions d’euros voulu par le président de la République dans le partenariat mondial pour l’éducation. La meilleure preuve, c’est que le partenariat mondial pour l’éducation a décidé de transférer une partie significative de ses bureaux opérationnels à Paris.
Enfin, autre enjeu majeur pour le multilatéralisme du XXIème siècle : nous devons construire un univers numérique mieux régulé.
La transformation numérique est aujourd’hui un des déterminants clés du nouvel ordre mondial. Qu’il s’agisse des menaces sur la stabilité et la sécurité du cyberespace, des nouvelles stratégies des terroristes, de la course à l’hégémonie sur l’intelligence artificielle, des prétentions de certaines entreprises à créer une monnaie mondiale, des nouvelles capacités d’ingérences, mais aussi des aspirations de la société civile, de l’accès à l’éducation et la culture ou de la souveraineté économique, jamais les défis n’ont été aussi nombreux, les rapports de force si déséquilibrés et les acteurs aussi divers.
Nous avons commencé à en jeter les bases avec la revue stratégique de cyberdéfense, la stratégie internationale numérique de la France, l’appel de Paris sur la stabilité dans le cyber espace, l’appel de Christchurch et les initiatives sur l’Intelligence artificielle. Tout cela est tout à fait déterminant car le numérique est devenu un nouvel espace d’affrontement mais aussi un nouvel espace d’opportunités.
Notre objectif est clair : ne pas se laisser enfermer dans une logique purement binaire où il faudrait choisir entre un modèle libertaire fondé sur la seule apologie de la dérégulation, qui cache mal la loi de la jungle, et un modèle autoritaire où le seul impératif serait d’attaquer, de surveiller, de punir, au mépris des libertés publiques. Une troisième voie est possible, qu’il nous faut construire ensemble, dans ce nouveau multilatéralisme, avec les Nations unies, les États, les entreprises, la société civile, en établissant là aussi des coalitions ad hoc pour créer le mouvement.
Et bien sûr, sans oublier au passage les enjeux d’attractivité de la France pour les décideurs économiques internationaux concernés par ces enjeux.
Le même raisonnement, au-delà des grands défis, vaut aussi sur les crises qui secouent le monde d’aujourd’hui, notamment au Moyen-Orient, qui toutes nécessitent une action déterminée dans le cadre d’un multilatéralisme qui sait prendre des risques et trouver l’audace du mouvement.
Nous ne pouvons pas être de simples spectateurs : parce que l’Europe est aux avant-postes de ces crises, qui menacent directement ses intérêts de sécurité ; parce que la France a une responsabilité particulière à agir, en particulier du fait de notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité ; et puis aussi au nom du principe d’humanité, de cet humanisme européen que j’évoquais en commençant.
À cet égard, sur des multilatéralismes de coalition à propos des crises, la stabilisation de la Libye est ainsi essentielle pour contenir le risque terroriste et gérer au mieux, et avec humanité, les phénomènes migratoires en Méditerranée. La France a été en première ligne dans les efforts qui ont conduit à la trêve de l’Aïd al-Adha en août dernier, après des mois d’affrontements continus. Cette trêve a été brève mais nous n’entendons pas nous arrêter là car le G7 a tracé la route des prochaines semaines.
D’abord il faut que la trêve puisse donner lieu à un cessez-le feu durable. C’est nécessaire pour ouvrir l’espace à une solution politique qui, seule, pourra garantir la stabilité. La meilleure façon d’avancer, c’est de réunir rapidement une conférence internationale qui associe toutes les parties prenantes et les acteurs régionaux concernés, et d’avancer sur une conférence inter-libyenne. Ce plan global réuni en quatre points autour de la réunion du G7 est porté par le représentant spécial des Nations unies et il est soutenu très largement par l’Union africaine. Il importe donc désormais qu’un multilatéralisme spécifique puisse pousser dans cette logique, seule permettant d’aboutir à une solution pacifiée.
En Syrie, notre priorité reste la lutte contre le terrorisme : car, je le rappelle ici, la menace que représente Daech n’a pas disparu, elle est devenue plus diffuse, plus insaisissable mais elle est toujours là, et c’est pourquoi nous poursuivons notre présence militaire. Nous devons aussi, pour inscrire nos succès militaires dans la durée, agir pour stabiliser les territoires libérés de l’emprise de Daech, relancer le processus politique et régler la question d’Idlib. Les opérations militaires en cours à Idlib sont particulièrement préoccupantes en ce moment, et je voulais rappeler ici l’exigence de protection des civils et des travailleurs humanitaires qui doit s’imposer à tous. Le président de la République a évoqué ces questions avec le président Poutine, il a rappelé aussi à cette occasion qu’il ne peut pas y avoir d’impunité en la matière. Les Nations unies, son Secrétaire général et surtout son envoyé spécial ont un rôle clé à jouer pour que le processus politique soit relancé selon les exigences posées par la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Et ces initiatives-là ont toute notre confiance.
Enfin, au Yémen, le conflit qui se poursuit n’a aucune chance d’apporter une réponse aux préoccupations des belligérants. Les attaques inacceptables contre le territoire saoudien sont, d’ailleurs, désormais quasi quotidiennes. Mais la poursuite des hostilités aggrave le désastre humanitaire que subit la population civile, tout en contribuant à l’éclatement du pays - comme le montrent les combats récents à Aden et les tendances sécessionnistes au sud du pays.
Pour la première fois depuis longtemps, l’annonce d’un retrait militaire émirien ouvre une fenêtre en vue d’une sortie de crise. Nous devons utiliser cette opportunité pour relancer le processus politique. La démarche d’apaisement régional que j’ai mentionnée s’agissant de l’Iran passe aussi par le Yémen. La priorité doit aller à une reprise du processus politique conduit sous l’égide des Nations unies, et impliquant l’ensemble des composantes de la société yéménite.
Sur l’Ukraine, il existe une fenêtre d’opportunité inédite, avec un président ukrainien qui veut la paix, qui a l’assise politique nécessaire pour imposer des décisions difficiles, qui a fait des gestes, et un Vladimir Poutine qui a fait part de son côté d’un « optimisme prudent » au président de la République à Brégançon la semaine dernière. Nous sommes aujourd’hui dans une situation qui nous permettra d’organiser dans les prochaines semaines un sommet en format Normandie car nous ne devons pas laisser passer notre chance d’obtenir des avancées concrètes.
Au titre des crises majeures du moment, je n’oublie pas celles qui se déroulent en Afrique et qui mobilisent une grande partie de mon attention et une grande partie de l’attention du président de la République. J’ai parlé du Sahel, mais il faut aussi parler de la Centrafrique où le défi est de mettre en oeuvre l’accord de paix conclu il y a un peu plus de six mois ; de la RDC où la situation reste fragile malgré certaines avancées comme la transition démocratique avec l’élection du président Tshisekedi. Je pense aussi au Soudan, où la voie d’une sortie de crise est engagée après la chute d’Omar el Béchir, la mise en place de nouvelles autorités politiques, en particulier celle d’un Premier ministre civil en attendant celle d’un gouvernement. La France devra être présente pour accompagner cette évolution positive. Elle le fait d’abord en s’appuyant sur les organisations africaines, et naturellement au premier rang d’entre elles, l’Union africaine avec qui la France a signé, par mon intermédiaire, il y a quelques semaines, pour la première fois, un partenariat stratégique.
Je voudrais aussi dire un mot sur l’Algérie. Le seul souhait de la France, compte tenu des liens profonds qui nous rattachent à ce pays, c’est que les Algériens trouvent ensemble les chemins d’une transition démocratique. Je l’ai dit à mon homologue algérien, en marge du Sommet des deux Rives. Nous sommes confiants dans l’esprit de responsabilité, de civisme et de dignité qui prévaut depuis le début des manifestations. Et nous sommes attentifs à ce que cet esprit puisse continuer de s’exprimer pacifiquement, dans le respect de la liberté d’expression et de manifestation. La solution, c’est le dialogue démocratique. Dans ces moments historiques, nous continuerons de nous tenir aux côté de l’Algérie et des Algériens, dans le respect et l’amitié qui président à nos relations.
Ce pragmatisme que nous revendiquons dans la construction du multilatéralisme se décline aussi dans l’Indopacifique.
Il s’agit bien, là aussi, de réguler la compétition : la compétition politique, économique, la compétition d’influence, en particulier de la Chine. J’ai participé en avril dernier à la deuxième conférence sur les Routes de la soie. J’ai rappelé que ces routes, comme toutes les routes, doivent être à double sens, j’ai rappelé que les projets doivent être transparents, que les règles sociales, environnementales et de soutenabilité financière doivent être pleinement respectées. Peut-être avons-nous été entendus. En tout cas, la France souhaite que dans ce cadre nous puissions continuer à dialoguer de manière constructive, exigeante mais confiante, nous avons pu le démontrer à Osaka par un engagement commun spécifique sur le climat.
Notre vision de l’Indopacifique est inclusive. Lors des derniers déplacements effectués par le président de la République ou par moi-même en Inde, au Japon, et ceux à venir en Australie, nous devons renforcer nos partenariats stratégiques et mettre en avant la convergence de nos stratégies sur l’Indopacifique. Et nous devons avancer résolument sur trois piliers prioritaires, qui sont d’ailleurs dans les priorités évoqués par le président de la République mardi : à la fois la sécurité maritime, l’environnement et le climat, et le développement d’infrastructures de qualité. Je vous encourage à poursuivre vos réflexions, vos travaux et vos propositions pour élargir ce champ et identifier des projets concrets, y compris jusqu’au Pacifique Sud où le président de la République se rendra en 2020.
Je pense qu’il faut que nous puissions mettre en oeuvre au cours de l’année qui s’ouvre la stratégie de la France dans l’axe indopacifique dans sa globalité mais aussi dans sa diversité.
Enfin - et c’est mon troisième point - face à une compétition généralisée qui est en train de reconfigurer notre monde et qui ne se résume plus à ses dimensions politiques, stratégiques et économiques, nous devons aussi prendre en compte ce que j’appelle les nouveaux attributs de la puissance.
Quelles sont-elles, ces nouvelles batailles que nous avons à livrer ? La bataille de la culture, la bataille de l’information et la bataille du développement.
Oui, j’en suis de plus en plus convaincu : la culture, l’information et le développement sont bien les nouveaux attributs de la puissance et c’est comme cela que nous devons les représenter et les manier si nous voulons continuer à peser sur la scène internationale. Il n’y a plus aujourd’hui de « soft power », on est partout, si vous me permettez l’expression, « dans le hard ». Et chaque fois que nous devons nous poser cette question - on se la posait hier dans le huis-clos -, comment transformer le « désir de France » que l’on constate, en avantage compétitif ?
Ce qui se joue aujourd’hui, c’est en effet une lutte qui oppose des valeurs et des modèles. Ce qui se fait jour, c’est une contestation parfois brutale de ce qui fonde nos sociétés depuis les Lumières, avec le risque d’un relativisme généralisé et, partant, d’une remise en cause des principes fondamentaux des normes de droit. Avec évidemment le risque de voir proliférer la radicalisation, l’instrumentalisation de la culture et de la religion, le repli sur soi.
Face à cela, nous devons avoir l’audace de continuer à croire en ce que nous sommes et à promouvoir sur la scène internationale nos principes. J’aime beaucoup cette phrase, on la prête à Edgar Faure, je n’en suis pas sûr et il n’est pas là pour témoigner, disant : « affirmer que les droits de l’Homme sont une invention occidentale, c’est nier l’unité du genre humain ». En tout cas, cette phrase rejoint ce que disait le président de la République mardi en rappelant que l’esprit français, c’était, avec l’esprit de résistance, l’aspiration à l’universel. Cet humanisme européen est notre boussole dans la tempête.
C’est pourquoi nous devons consolider nos instruments de diplomatie d’influence, qui font partie intégrante de notre politique étrangère.
Je pense d’abord à la réforme de l’enseignement français à l’étranger. Le président de la République l’a rappelé avec force mardi : ce sujet, parce qu’il est au confluent de nos politiques de développement et de rayonnement culturel et linguistique, est au coeur de notre politique d’influence. Et c’est un service public essentiel pour nos compatriotes de l’étranger. Je le dis devant plusieurs parlementaires qui les représentent et savent mieux que personne l’importance stratégique pour notre pays de disposer d’un enseignement français à l’étranger performant, dans un contexte de concurrence exacerbée.
Le président de la République a fixé le cap : doubler le nombre d’élèves accueillis dans les lycées et écoles d’ici à 2030, c’est-à-dire aller au-delà de 700.000 ! Cet objectif très ambitieux, nous allons le tenir, tout en préservant ce qui fait l’excellence du système français, le socle sur lequel il est fondé : les valeurs de l’enseignement « à la française », son capital humain et son modèle pédagogique. C’est dans cet esprit que nous avons travaillé, avec Jean-Michel Blanquer au plan de développement de l’enseignement français à l’étranger.
Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail publiquement dans les prochains jours avec Jean-Baptiste Lemoyne. Mais je voudrais d’ores et déjà attirer votre attention sur trois dimensions majeures de ce plan de développement.
D’abord, accueillir davantage d’élèves dans des conditions attractives et, pour ce faire, nous allons élargir le cercle des partenaires, au-delà des établissements actuellement homologués.
Pour cela, je souhaite que vous puissiez mobiliser, dans la diversité des situations que vous rencontrez, les investisseurs, les associations, les établissements qui vous aideront à consolider l’offre française. Sachant que, même si ses procédures seront simplifiées, l’homologation délivrée par le ministère de l’éducation nationale restera exigeante pour préserver l’excellence qui est la marque de l’enseignement français à l’étranger. Il y a déjà des expériences qui se sont organisées dans certains pays, même au Brésil. Je me suis rendu au Brésil il y a quelques jours et nous avons lancé sous le parrainage de Rai, chacun d’entre vous connait l’ancien footballeur du Paris Saint Germain, qui est le parrain de ce grand projet qui nous permettra à Sao Paulo de doubler le nombre d’élèves que nous allons pouvoir accueillir et c’est une belle réussite pour montrer qu’il arrive que nous mettions en exergue la valeur du Brésil.
Ensuite, nous allons accroître le nombre de professeurs.
Je salue la décision de Jean-Michel Blanquer de détacher dans les prochaines années 1000 titulaires supplémentaires pour l’enseignement du français à l’étranger. Mais les ressources locales devront également être mobilisées, en lien avec les établissements de formation et d’enseignement supérieur. De tels cercles vertueux ont déjà été enclenchés, je l’ai dit il y a un instant, dans certains pays mais je pense aussi au Maroc, au Liban, au Mexique et bien d’autres. Et la qualité sera bien sûr pleinement au rendez-vous. Le président de la République l’a rappelé : la formation des enseignants est la clé. La mise en place d’un master spécialisé y contribuera.
Enfin, à cet égard, nous nous donnerons les moyens de nos ambitions.
Comme je l’ai demandé, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, colonne vertébrale de notre offre d’enseignement dans le monde, disposera de 25 millions d’euros supplémentaires dès 2020.
S’agissant de la réforme de l’AEFE, je tiens aussi à dire que, comme l’État s’y était engagé, le niveau de participation des familles aux frais de scolarité, qui avait dû être augmenté en 2017, reviendra à son niveau de 2016.
Sur ces questions, je veux également rendre hommage à votre mobilisation grâce à laquelle nous allons pouvoir ouvrir dans plusieurs pays à la rentrée prochaine des campus universitaires, en lien avec les universités locales. Je pense notamment au campus universitaire franco-sénégalais à Dakar, qui répond à un engagement pris par le président de la République à Ouagadougou, je pense au hub franco-ivoirien pour l’éducation, dont j’ai pu mesurer la réalité sur le terrain en octobre dernier, ou à l’université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée à Tunis. Parce qu’ils permettent de projeter l’excellence française en direction des étudiants de ces pays, ces établissements s’inscrivent parfaitement dans la logique de la stratégie que le Premier ministre a rappelée hier.
Parmi les outils dont nous disposons pour livrer la bataille de l’influence, je pense aussi à tous les moyens d’encourager les échanges culturels, avec les saisons croisées et la saison Africa 2020. Nous avons voulu que cette saison Africa 2020 soit une occasion de changer les regards et, pour reprendre une formule que le président de la République a employée le 15 août dernier, de mieux comprendre « la part d’Afrique qui est en nous ». Ce sera, j’en suis convaincu, l’un des temps forts de l’année prochaine.
Mais je pense de manière plus générale à tous les moyens d’encourager le dialogue avec les sociétés civiles. Jamais un site Internet ne remplacera la richesse des échanges que vous et vos équipes parviennent à tisser avec elles et qui nous permettent, qui vous permettent de capter, au plus près du terrain, les tendances nouvelles qui parcourent les sociétés et de saisir, aux quatre coins de la planète grâce à l’universalité de notre réseau, un peu de l’humeur changeante du monde. Je souhaite que vous puissiez continuer à vous engager pleinement dans ces contacts avec la société civile en mettant un accent particulier - et cela ressortait pour moi des échanges que nous avons eus hier dans le huis clos - en direction de la jeunesse.
Je pense bien sûr, nous en avons parlé ce matin, à la nécessité d’accompagner nos industries culturelles et créatives dans la grande aventure de l’exportation, ce sera l’une de nos grandes priorités de l’année.
Je ne vais pas revenir sur la réforme de notre dispositif de soutien à l’exportation, j’en avais beaucoup parlé l’année dernière, sauf pour vous dire qu’elle se met pleinement en oeuvre, en France comme dans vos pays. Le Premier ministre l’a rappelé hier et même s’il est encore trop tôt pour tirer un bilan exhaustif, les premiers résultats sont déjà là, +6% d’exportations au premier semestre 2019, je me tourne vers Jean-Baptiste Lemoyne qui me confirme, par rapport au premier semestre 2018, et nous vous encourageons à poursuivre cette action et je voudrais saluer tous ceux qui ont permis que cette réforme qui était peut-être un peu appréhendée puisse se dérouler dans les meilleures conditions, en particulier l’action de Business France et de BPI.
Autre bataille de l’influence qui doit mobiliser nos efforts : la bataille de l’information, dont les manipulations en tout genre constituent une manifestation dévoyée de cette compétition culturelle, qui fausse les règles, tord les faits et mine le travail de la diplomatie. Face à ces dérives, nous ne sommes pas condamnés à l’impuissance. Le temps de réagir et de nous armer à cet égard est venu.
D’abord en nous professionnalisant. Sous l’égide de l’ambassadeur pour le numérique, avec l’aide de la DSI, nous devons concevoir et mettre en oeuvre des solutions agiles de détection des campagnes de manipulation. Nous devons aussi mettre en place une organisation de la riposte à l’international qui soit plus réactive, en lien avec nos partenaires interministériels. Je souhaite en particulier que soit développée une stratégie de communication ambitieuse vis-à-vis de l’Afrique, à la fois pour mieux valoriser nos actions et, pour mieux lutter contre les fausses nouvelles. Face aux campagnes de dénigrement, face à ce contre-narratif français, nous ne pouvons pas nous permettre de rester les bras croisés.
Et nous devons aussi nous battre sur la même logique d’influence pour disposer d’un audiovisuel extérieur puissant au service d’une information objective et de qualité. J’ai porté cette préoccupation au plan interministériel dans le cadre de la réforme en cours de l’audiovisuel public. En faisant valoir que l’audiovisuel extérieur est un sujet stratégique qu’il nous faut pleinement prendre en compte dans notre politique étrangère.
Enfin, troisième bataille de la compétition internationale : la bataille du développement.
L’an dernier, nous avons annoncé une loi de programmation sur le développement. Nous maintenons le cap, comme l’a rappelé le président de la République. Le développement est essentiel pour accompagner principalement nos partenaires africains. C’est aussi un puissant levier d’influence. C’est aussi un élément de la compétition mondiale. Nous voyons d’ailleurs de plus en plus d’acteurs mondiaux s’y impliquer, avec, vous le savez, des normes variables et des exigences en termes de corruption, différentes des nôtres, quand il ne s’agit pas d’attitudes de prédation.
Notre politique de développement est une politique qui répond très directement aux intérêts de la France, comme le montrent les priorités que nous nous sommes fixées : sur la prévention des crises, la lutte contre les effets du changement climatique, la promotion de l’égalité femmes/hommes, la lutte contre les épidémies - Mais il faut que nous puissions gagner en efficacité et pour cela nous avons choisi de consacrer nos efforts là où ils sont les plus utiles : les pays prioritaires, notamment d’Afrique, et les zones fragiles.
Pour cela, nous devons disposer de moyens suffisants. Depuis deux ans, nous remontons la pente. Nous sommes repartis sur une tendance haussière continue. Cette tendance se poursuivra avec l’objectif pour l’Aide publique au développement d’atteindre 0,55% du RNB en 2022, et dans cette ambition de développement, l’Agence française de développement, qui dispose cette année de plus d’1,5 milliards d’euros d’autorisation d’engagement, continuera d’avoir toute sa place, en mettant l’accent - ce qui avait été demandé - sur le bilatéral et sur les dons qui sont tout à fait indispensables dans les 18 pays prioritaires que nous avons sélectionnés en 2018. Et je souhaite que vous puissiez vous impliquer personnellement dans le suivi des projets que l’AFD met en oeuvre, en gardant bien à l’esprit que l’AFD est, aussi, un outil d’influence.
Je veille aussi au renforcement des moyens du ministère dans des domaines essentiels pour des actions qui ont démontré leur valeur ajoutée. Je pense à l’aide humanitaire avec le respect, dès l’an prochain, de l’engagement présidentiel d’une hausse de 100 millions d’euros sur l’aide humanitaire. Je pense aussi aux moyens accrus que nous donnons aux postes via les FSPi, qui vont poursuivre leur hausse jusqu’à 60 millions d’euros l’an prochain, contre 36 millions d’euros cette année. Je sais que ces programmes sont efficaces pour votre action. Ils sont tout à fait en conformité avec les engagements de Ouagadougou, et parfaitement complémentaires des actions de l’AFD. Ils sont directement placés à votre main : j’attends donc de vous que vous puissiez vous en emparer pleinement.
Je voudrais conclure sur ce point en précisant, par rapport aux échanges que nous avons eus hier, que bien évidemment il faut que l’organisation locale de l’aide au développement soit améliorée sous le pilotage des ambassadeurs. Il ne doit y avoir qu’une seule stratégie française de développement par pays. Des mesures importantes seront prises à cet égard, conformément aux recommandations de la mission d’inspection demandée par le Premier ministre.
Dans toute cette bataille de l’influence, derrière chaque action, derrière chaque outil que nous mettons en oeuvre, nous devons nous poser une question simple : préparons-nous la prochaine génération de ceux qui aimeront et seront attachés à la France ? Car dans ce domaine, comme dans d’autres, nous contenter de reproduire les mêmes recettes, c’est nous condamner au déclin : ce que j’appelais un « désir de France » tout à l’heure risque alors de se transformer, on l’évoquait hier, en une « fatigue de France ». Il faut préparer la relève. Dans beaucoup de pays, nous avons une longueur d’avance mais nous avons d’une certaine manière nos habitués. Mais demain, qu’en sera-t-il ? Parfois, déjà l’imaginaire des nouvelles générations n’est déjà plus français. C’est pourquoi, je le redisais il y a un instant, il est crucial, dès à présent, que nous allions au-devant de la jeunesse, quitte à faire du hors les murs et à repenser certaines de nos habitudes.
Vous voyez donc l’importance que j’attache à ces enjeux, ma détermination à faire évoluer notre modèle. C’est pourquoi je voudrais que nous puissions mettre au point une feuille de route globale sur notre politique d’influence. C’est là ma responsabilité.
Mesdames les ambassadrices, Messieurs les ambassadeurs,
Face à l’ensemble de ces défis, notre ministère doit continuer à faire preuve d’agilité, d’imagination et, comme dirait le président de la République, d’audace.
La question est simple : comment pouvons-nous nous organiser pour gagner en agilité et en efficacité ?
D’abord, il faut des moyens. Nous en aurons en 2020. S’agissant de la mission relative à l’action extérieure de l’État, les crédits sont reconduits et voire même augmentés.
Quelques évolutions positives sont également à souligner, avec une intégration renforcée des effets de l’inflation mondiale sur la rémunération de nos agents et sur les dépenses de fonctionnement des postes dans la programmation budgétaire, ainsi qu’une mobilisation automatique de la réserve de précaution pour la couverture des éventuelles pertes de change.
En ce qui concerne l’Aide publique au développement, les moyens du programme 209 augmenteront d’au moins 130 millions d’euros en 2020, avec notamment un effort conséquent réalisé en faveur des ONG. L’orientation que j’ai définie d’un rééquilibrage de nos outils d’Aide publique au développement en faveur des instruments directement disponibles pour le réseau diplomatique se traduira par une l’augmentation de l’aide humanitaire et des FSPI dont j’ai parlé tout à l’heure.
Ensuite, il nous faut une meilleure responsabilisation des acteurs clés de notre ministère.
Je suis attaché au pilotage par le COMEX, qui me permet d’être pleinement informé par les directeurs concernés et d’arbitrer ensuite sur les grands sujets et de fixer la ligne. J’ai toute confiance dans le nouveau Secrétaire général pour continuer, en lien avec mon cabinet, à rendre cette enceinte efficace et opérationnelle.
Je souhaite aussi assurer un pilotage étroit de nos opérateurs. Vous le ferez en poste, comme je l’ai dit. Je le ferai à Paris. C’est cohérent avec le volume important des moyens accordés et notre volonté de renforcer la cohérence de nos interventions.
Ce qu’il nous faut aussi, en interne, c’est plus de parité, plus de justice et plus de clarté.
Nous devons aller plus loin dans la mise en oeuvre, au sein même du ministère, de l’engagement que j’ai pris en faveur d’une diplomatie résolument féministe. C’est pourquoi je compte lancer un plan complet pour la parité. Agnès von der Muhll a accepté d’être notre nouvelle haute fonctionnaire à l’égalité. Elle sera assistée d’une chargée de mission à plein temps, afin de préparer, suivre, mettre en oeuvre et évaluer annuellement ce plan.
Il y a eu des efforts importants qui ont déjà été faits depuis quelques années. Nous avons doublé le nombre d’ambassadrices en 5 ans. Vous êtes aujourd’hui 45 à l’issue du mouvement de 2019, y compris dans les plus grands postes. Nous avons encore du terrain à parcourir mais la marche vers la parité est engagée et j’y veillerai personnellement dans un état d’esprit apaisé puisqu’autrement ça n’avance pas.
Nous ne réussirons pas cet engagement en nous concentrant uniquement sur les promotions aux seuls postes d’ambassadrices et de directrices. Nous devons nous attacher à favoriser l’égalité à chaque étape de la chaine de recrutement et de promotion, notamment en veillant à ce que des candidats des deux sexes soient bien représentés aux panels de sélection, afin de renforcer la parité des viviers dès l’entrée au Quai et tout au long de la carrière.
Je compte également renforcer nos actions contre le harcèlement sexuel et élargir notre dispositif au harcèlement moral, question difficile sur laquelle nous avons encore des progrès à faire. Une cellule joignable à un numéro unique a été mise en place. Je souhaite que ses moyens soient amplifiés, et je procèderai rapidement à un premier audit.
Sur la question de la gestion des carrières, je souhaite que la Directrice générale de l’administration et de la modernisation, sous l’autorité du Secrétaire général, propose des pistes de travail ambitieuses pour améliorer la situation : en particulier la constitution de viviers de primo-ambassadeurs, la professionnalisation des panels, des bilans de compétences plus systématiques, la prise en compte des évaluations à 360° dans la gestion des carrières et des nominations, la mise en place d’un vrai outil de reconversion des cadres et une politique volontariste de mobilités croisées. La nouvelle directrice aura du travail.
Sur le numérique, enjeu majeur de notre diplomatie, j’ai évoqué cet enjeu au niveau du multilatéralisme tout à l’heure, je souhaite que nous soyons nous-même au rendez-vous et que la poursuite de notre montée en puissance s’effectue sur quatre axes. D’abord, Les grandes directions concernées doivent mieux s’organiser pour répondre à l’importance des enjeux numériques. Ensuite, nous devons disposer d’une filière d’excellence dans ce domaine pour attirer, former et conserver de vrais cyber-diplomates, ce qui devra passer par des échanges de personnels avec d’autres ministères. Je souhaite également que soit créé un comité directeur du numérique, présidé par vous-même, Monsieur le Secrétaire général, et dont le secrétariat sera assuré par l’ambassadeur pour le numérique. Enfin nous devons mieux nous organiser pour piloter les grands chantiers de notre propre transformation numérique, et c’est pourquoi j’ai décidé la transformation de notre DSI en direction du numérique dès cette année.
Autre chantier important à mes yeux : la réforme de la fonction juridique et la modernisation consulaire.
La judiciarisation croissante des relations internationales et de l’ensemble de nos activités conduit à une interaction constante entre le droit et l’action diplomatique, mais aussi entre le droit et la gestion de ce ministère. J’avais annoncé il y a un an un effort de renforcement de la fonction juridique au ministère. Ainsi, un comité directeur des affaires juridiques se réunit désormais mensuellement et contribue utilement à la coordination du traitement de ces questions. Mais je souhaite que nous allions plus loin, en renforçant encore davantage la coordination de nos services à cet égard.
Enfin, la mise en oeuvre de la loi pour un État au service d’une société de confiance (la loi ESSOC) fixe un cadre pour nos efforts de modernisation tendant à améliorer les services rendus aux usagers et favoriser leur accessibilité. À ce titre, je suivrai avec une grande attention quatre projets phare : le vote par internet pour les élections consulaires et législatives, la mise en place de France-visas, la dématérialisation de l’état-civil des Français nés à l’étranger et l’expérimentation en vue du lancement de la plateforme mondiale de réponse téléphonique et courriel, qui inclura un centre d’appel consulaire unique. Je sais que ces projets ne sont pas dénués de risques mais nous essaierons de les maîtriser pleinement car ils sont indispensables pour nous adapter aux besoins de nos concitoyens dont la mobilité internationale continue de s’accroître.
Enfin pour mieux faire connaitre aux Français la réalité de notre métier, je dis notre parce que je me sens partie prenante, j’ai aussi souhaité que notre ministère s’ouvre davantage à l’extérieur. C’est le sens de la création d’un Collège des hautes études de l’institut diplomatique [CHEID], dont chaque promotion comptera des personnalités issues du journalisme, du monde politique, des sphères économiques ou encore d’autres administrations. Je suis particulièrement attaché à cette initiative, parce que l’efficacité et la légitimité de notre action dépendent aussi de la manière dont nous parvenons à les faire connaitre au grand public. C’est plus difficile pour nous en raison de nos missions mais il n’y a pas de distinction à faire entre la scène nationale et la scène internationale, le Premier ministre nous l’a rappelé hier.
Voilà Mesdames les Ambassadrices, Messieurs les Ambassadeurs,
Ce que je voulais vous dire. Nous sommes plongés dans une époque qui n’est ni celle de l’incertitude, ni celle de la fatalité. Nous vivons une recomposition du monde et la France, puissance d’équilibre, doit y prendre toute sa part. De par vos fonctions, vous êtes en première ligne pour y contribuer. Vous l’aurez compris, c’est le coeur du message que je suis venu vous adresser aujourd’hui.
Je veux vous dire aussi la fierté qui est la mienne de conduire cette grande maison, avec Amélie de Montchalin et Jean-Baptiste Lemoyne. Vous dire aussi ma reconnaissance : sur tous les continents, vous êtes les visages de la France et vous défendez ses intérêts avec un degré de compétence et de dévouement qui fait honneur à notre pays et à nos concitoyens.
Soyez assurés que vous pourrez toujours compter sur mon soutien dans l’exercice des fonctions exigeantes qui sont les vôtres.
Et, comme je ne peux pas m’empêcher de terminer par une citation, j’ose solliciter Danton : « de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! »./.
Source :France Diplomatie
Dernière modification : 30/08/2019
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